LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite3)
Pendant le temps qu 'il passa à Carthage, puis à Rome et à Milan, St Augustin vivait avec une femme de Numidie, dont le nom nous reste inconnu. Elle lui donna son fils bien-aimé Adéodat. Comme St Augustin et cette femme n'étaient pas du même rang social, ils ne pouvaient pas se marier d'après la loi romaine. Cependant, une femme vivant ainsi, avait des droits d'après la loi - elle était "civilement"sa femme. Elle aimait certainement St Augustin et lui resta fidèle, faisant voeu, quand il lui demanda de partir, de ne jamais en aimer un autre. Rétrospectivement, St Augustin critique sa recherche du plaisir pendant cette alliance. Mais il n'indique pas plus dans les Confessions que dans ses autres ouvrages que l'attitude critique qu'il aura par rapport à cette relation l'a orienté vers une éthique sexuelle puritaine.
En quittant le manichéisme, St Augustin en vint pour un temps assez bref au scepticisme. Bien qu'il ait connu l'académisme de Cicéron, il ne fut pas un sceptique comme les académiciens ni en théorie, un peu comme Descartes, mais après s'être engoué pour le manichéisme, il hésitait à donner son assentiment intellectuel à autre chose, afin de ne pas en venir aux mêmes erreurs. Il n'en demeure pas moins que le scepticisme de cette période se cache en partie derrière le Contra academicos. La réfutation du scepticisme est un thème récurrent dans les écrits de St Augustin.
St Augustin fut un enseignant réputé, d'abord à Thagaste, sa ville natale, ensuite à Carthage, puis à Rome. De Rome, il partit pour Milan, où grâce à l'appui des manichéens, il obtint le poste de rhéteur impérial. Là, il rencontra St Ambroise, une rencontre qui fut décisive pour St Augustin qu'historique pour le christianisme. Par intérêt professionnel, il vint écouter les sermons de St Ambroise, mais il est probable que son intérêt allait au-delà de la rhétorique. St Augustin apprit par St Ambroise que le christianisme n'accepte pas les doctrines des manichéens et leurs révendications. St Ambroise lui montra surtout l'intérêt de l'exégèse allégorique. Ainsi comprit-il la nature spirituelle de l'image de Dieu en l'homme et l'origine du mal, qui réside, non dans un principe mauvais mais dans le libre choix de la volonté.(1) A Milan, St Augustin fut également introduit dans un groupe informel de lettrés (le cercle milanais) dont beaucoup étaient des intellectuels chrétiens. Leur but était de comprendre les mystères chrétiens avec l'aide des néoplatoniciens. Marius Victorinus était leur modèle. C'était un rhéteur s'intéressant à la philosophie qui s'est tardivement converti au christianisme, alors qu'il venait des cercles païens, influencés par Porphyre. On ne sait pas quels sermons d'Ambroise, Augustin a effectivement entendus, mais l'influence d'Ambroise sur Augustin demeure certaine, forte et durable, depuis ce moment jusqu'à la fin de la polémique pélagienne, même si elle a été peu étudiée.
Les livres VII et VIII des Confessions sont les deux livres les plus étudiés de l'ouvrage. Bien que schématique, la division entre la conversion intellectuelle et la conversion morale pourrait, comme l'a montré St Augustin lui-même se répartir ainsi. Le livre VII correspond à la conversion intellectuelle, le livre VIII à la conversion morale. Le livre VII des Confessions a été important pour les chercheurs du XXè siècle, parce que St Augustin y évoque sa rencontre décisive avec les platonici. Il pensait, au départ, que plusieurs théories néoplatoniciennes correspondaient à l'enseignement chrétien. Mais il décrit les théories qu'il a lues, dans des livres qui lui avaient été donnés peut-être peut-être par un néoplatonicien chrétien milanais non chrétien, en citant le Prologue de l'évangile de St Jean. L'utilisation d'un tel procédé littéraire rend difficile l'identification des traités qu'il a lus. Ailleurs, nous apprenons que ces livres étaient peu nombreux mais de grande inspiration.(2) La plupart des chercheurs contemporains concluant que St Augustin a lu Plotin et Porphyre peut être une simplification supplémentaire puisque Porphyre est l'éditeur et le commentateur de Plotin. Les Sententiae de Porphyre étaient jointes aux Ennéades de Plotin. Nous ne connaissons l'un des ouvrages de Porphyre, le De regressu animae que par l'intermédiaire de St Augustin qui l'a certainement lu lors de sa conversion intellectuelle et ensuite peut-être par le caractère descriptif de son titre.
A partir de sa lecture et de sa comparaison du platonisme avec l'Ecriture, St Augustin commence à affirmer ce qu'il a maintenu pendant toute sa vie: seul le christianisme réalise les aspirations au bonheur des philosophes antiques. Le mieux qu'ait pu faire la sagesse antique, c'est d'avoir envisagé la fin de l'humanité: l'union à Dieu. Les philosophes n'ont pas trouvé les moyens pour atteindre cette fin: ils ont vu la patrie, mais non pas la voie. Le Christ est le seul chemin par lequel l'être humain peut accéder au salut. Si le néoplatonisme et le christianisme semblent enseigner des doctrines analogues, en réalité, il n'en va pas du tout ainsi. Cela apparaît nettement à propos de la Trinité, de la métaphysique de l'être et du non-être, du mal, de la Providence divine, de l'omniprésence de Dieu et de la théorie épistémologique de l'illumination. Mais surtout, ce que St Augustin n'a pas trouvé chez les néoplatoniciens, c'est l'incarnation du Christ et le salut de cette incarnation. Comme résultat direct de la lecture de ces livres, St Augustin a eu quelques expériences spirituelles.
A suivre.......
Dr AKE Patrice Jean
Maître-Assistant de Philosophie à l'UFR-SHS de l'Université de Cocody
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- COURCELLE(P.).- Les Confessions dans la tradition littéraire: antécédents et postérité. (Paris, Etudes augustiniennes, 1963)
- C. Accad. II,2,5
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