samedi 28 juin 2008

EGLISE CATHOLIQUE ET EVENEMENTS POLITQUES(1960-2005): ETUDES DES LETTRES PASTORALES DES EVEQUES DE COTE D'IVOIRE

ÉGLISE CATHOLIQUE et ÉvÉnements politiques (1960-2005) : ÉtUDE DES LETTRES PASTORALES Des ÉVÊQUES DE CÔTE D’IVOIRE

THESE DE DOCTORAT UNIQUE EN HISTOIRE ET SOCIOLOGIE DES RELIGIONS

AUTEUR: JEAN-CLAUDE DJEREKE

 

Qu’il nous soit permis avant tout de saluer et de remercier tous ceux qui sont présents dans cette salle, toutes les personnes qui nous ont fait l’amitié de nous accorder un peu de leur précieux temps. Nous remercions spécialement nos éminents professeurs : M. Launay, M. Prudhomme, M. Langlois et M. Ekanza arrivé hier d’Abidjan. Nous les remercions d’avoir accepté, malgré leurs nombreuses occupations, de faire partie de l’examen de notre thèse. Thèse dont le titre est : « Église catholique et événements politiques (1960-2005) : étude des lettres pastorales des évêques de Côte d’Ivoire. »

Pourquoi avons-nous choisi ce sujet ? Préparant en 2001 une conférence sur le thème « L’Église catholique et la politique en Côte d’Ivoire », conférence qui nous avait été demandée par un groupe d’étudiants catholiques d’Abidjan, nous nous rendîmes compte que les travaux sur le sujet[1], bien qu’intéressants, n’étaient pas pleinement satisfaisants. En effet, la thèse de Yao Bi, défendue en 1991 à l’Université Paris I-Sorbonne, est consacrée aux influences du catholicisme sur la société ivoirienne et couvre la période qui va de 1930 à 1960 ; celle de Marc Kouamé, qui étudie les rapports entre État et Église en Côte d’Ivoire, s’arrête en 1990 même si elle a l’avantage de s’intéresser aux années post-indépendance. Le principal reproche que l’on peut faire au mémoire de licence d’Antonio Porcellato, soutenu en 1982, c’est qu’il n’examine que les lettres et homélies de Bernard Yago. Emmanuel Zabsonré échappe à ce reproche puisqu’il a choisi de parler de l’Évangile dans le contexte socio-politique ivoirien. Si son mémoire écrit en 1992 soulève de vraies questions, les réponses à ces questions nous semblent cependant rapides et sommaires. Citons enfin la compilation de Bernard Tondé qui, tout en présentant les discours des évêques, omet d’en souligner les points forts et les faiblesses. En outre, cette compilation porte sur la période 1965-2000. Or ce que nous recherchions, c’est une étude qui, en plus de traiter des lettres pastorales des évêques de Côte d’Ivoire sur les événements politiques survenus de 1960 à 2005, se prononce sur ces lettres. C’est d’abord pour combler ces lacunes que nous avons choisi ce sujet. La deuxième raison est que ce sujet nous permettait de rester dans le domaine de l’engagement politique du clergé en Afrique, notre sujet de mémoire pour la maîtrise en théologie morale à l’Université grégorienne de Rome. Les laïcs et les prêtres ivoiriens sont souvent accusés de s’investir davanatge dans le sacré et les « pratiques sacramentalistes » (pratiques qu’ils auraient héritées des pères SMA – Société des missions africaines de Lyon , si l’on en croit Eric Lanoue[2]) que dans la lutte pour le respect des droits de la personne, ce qui, à notre sens, n’est pas totalement faux. Mais – et c’est une question qui nous semble fondamentale – comment ceux-ci peuvent-ils participer à la transformation de la société ivoirienne s’ils ignorent l’enseignement social de leurs pasteurs ? Contribuer à mieux faire connaître les lettres pastorales des évêques, tel est donc le troisième motif qui a dicté notre choix.

Problématique : De 1960 à 2005, l’histoire de la Côte d’Ivoire a été marquée par des événements politiques. Dans leurs lettres pastorales, les évêques ont-ils pris position sur tous ces événements ou bien sont-ils intervenus en certaines circonstances ? Et de quelle manière ?

Sources : Pour répondre à cette double interrogation, nous avons utilisé deux sources d’information. Il s’agit, premièrement, d’écrits collectés à la faveur de quatre voyages effectués en Côte d’Ivoire : homélies, déclarations, messages et lettres pastorales de Mgr Bernard Yago, lettres pastorales et déclarations de la conférence épiscopale ivoirienne, lettres pastorales de Laurent Mandjo et de Joseph Akichi. Ces textes constituent en quelque sorte la matière première. Il était nécessaire de les étudier de près, d’aller en quelque sorte à la source, pour savoir ce que les évêques ont dit ou non sur les différents événements politiques. La plupart de ces textes sont disponibles à la bibliothèque de l’INADES (Institut africain pour le développement économique et social), de l’UCAO (Université catholique d’Afrique occidentale) et du secrétariat de la conférence épiscopale situé à Cocody-Riviéra. Mémoires, thèses et essais nous ont aidé à compléter nos informations sur l’Église de Côte d’Ivoire. Pour les textes relatifs à l’Église qui est en Guinée, au Cameroun, en République démocratique du Congo et au Kenya, il nous a fallu consulter les archives des OPM (Œuvres pontificales missionnaires)[3], des Pères sulpiciens (6, rue du Regard, dans le VIe arrondissement), de la Faculté de sciences sociales de l’Institut catholique de Paris, de la bibliothèque François Mitterrand, de l’Université catholique de Louvain, des Pères spiritains de Chevilly la Rue (dans le Val de Marne), etc.

La deuxième source d’information, ce sont les entretiens que nous avons eus avec quelques personnes (évêques, prêtres, religieuses et laïcs). Ces entretiens, il ne nous a pas été facile de les obtenir, d’abord à cause du caractère sensible du sujet (certains personnes se sont demandé si leurs réponses n’allaient pas leur créer des ennuis), ensuite parce que ceux qui ont vécu les événements de 1963-64 ne se souvenaient plus de certains détails.

Autres difficultés rencontrées. Difficultés de déplacement. Le pays étant coupé en deux depuis le 19 septembre 2002, il nous a été en effet difficile de nous rendre à l’Ouest, au Centre et au Nord du pays. Même, dans la zone dite gouvernementale, il n’était pas toujours facile d’aller en voiture d’une ville à une autre à cause des nombreux barrages de contrôle érigés sur la route.

Mentionnons aussi le fait que certains hommes politiques, à qui nous avons envoyé un questionnaire sur les lettres pastorales des évêques, ne nous ont jamais répondu.

La dernière difficulté a été de trouver un juste équilibre entre ce qu’Étienne Fouilloux appelle « trop de sympathie [qui] mène tout droit à une forme d’apologétique et trop de distance [qui] conduit à l’illusion scientiste[4] ». Équilibre d’autant moins facile que l’historien, selon Pierre Laborie, « construit entre doutes et certitudes ponctuelles, selon son éthique, ses exigences propres et celles de la règle, à la recherche de ce qui lui semble se rapprocher de la vérité la moins réfutable, des enchaînements les plus plausibles, des processus les plus vraisemblables, des manières d’être les moins anachroniques[5] ».

Méthodologie (approche, nombre et contenu des parties). Au cours de cette recherche, maîtriser notre subjectivité ne fut pas notre seul souci. Nous avons essayé aussi de définir autant que faire se peut les concepts et notions utilisés, d’exposer les faits tels qu’ils se sont déroulés et de les situer dans leur contexte, de procéder par recoupements des témoignages recueillis et par confrontation avec les sources écrites. Quant à l’aspect méthodologique, nous avons opté pour une approche à la fois informative, interprétative et critique. Cette approche, nous l’avons nettement séparée de la prospective. C’est dans la conclusion en effet que nous avons exprimé nos convictions. Si la présentation conduit à faire croire que nous imputons à certains acteurs des positions qu’ils n’ont jamais eues, ce n’était pas dans nos intentions. Il faut y voir une maladresse d’expression. Le travail ainsi réalisé comprend quatre grandes articulations.

La première partie nous met en contact avec Bernard Yago. Ici, il s’agit principalement de répondre aux questions suivantes : qui est-il ? Quel fut son parcours ? Sur quels thèmes insistait-il dans ses homélies, déclarations et lettres pastorales ? Qu’est-ce qui le distinguait des autres évêques ? Pourquoi parla-t-il au nom de la conférence épiscopale jusqu’en 1979 ? Pourquoi lui, qui était attaché à la liberté, s’accommoda-t-il du parti unique et pourquoi garda-t-il le silence sur certains événements ?

La deuxième partie nous plonge dans une Côte d’Ivoire qui commence à connaître des difficultés économiques et dans laquelle on assiste, sur le plan politique, à une relative ouverture démocratique avec les députés qui ne sont plus nommés par le président de la République. Comment la conférence épiscopale qui entre en scène, aussitôt après la première visite de Jean-Paul II, se comporte-t-elle dans ce contexte ? Lui arrive-t-il d’aborder les questions qui fâchent ? Parvient-elle à « rester libre vis-à-vis du pouvoir politique » ainsi que l’y invitait le pape Jean-Paul II lors de sa première visite en terre ivoirienne en mai 1980 ?

En 1990, sous la pression de la rue, la Côte d’Ivoire passe du parti unique au multipartisme. Désormais, les évêques sont appelés à composer avec plusieurs partis politiques. D’autres évêques que Yago osent prendre la parole en leur nom propre et à l’extérieur de la conférence épiscopale (Dacoury, Mandjo, Akichi, Téky, Ahouanan). Par ailleurs, c’est sans langue de bois que les évêques commencent à se prononcer sur la situation politique. Une liberté de ton qui ne plaît pas toujours au pouvoir en place. La troisième partie s’efforce de rendre compte de cette évolution.

La quatrième et dernière partie porte sur une période relativement brève mais riche en événements : transition militaire, naissance de la deuxième République, élections présidentielle, législatives et municipales (octobre 2000), forum de réconciliation nationale (2001), tentative de coup d’État (septembre 2002), violences de janvier 2003 et de novembre 2004, débat sur la modification de l’article 35 de la Constitution, etc. L’objectif poursuivi ici est de voir si le discours des évêques innove, si nous avons affaire à une manière nouvelle de parler aux politiciens et des choses de la cité.

Résultats obtenus. Quatre grandes conclusions peuvent être tirées de cette étude. La première est que les évêques ivoiriens ont pris position mais pas sur tous les événements politiques survenus en Côte d’Ivoire entre 1960 et 2005. Deuxièmement, alors qu’ils sont accusés par certaines personnes d’avoir toujours fait la politique du pouvoir en place, nous avons noté que, en réalité, les évêques ne roulent pour personne et qu’ils ont interpellé toutes les formations politiques. En troisième lieu, nous avons remarqué que, d’une parole timide et trop prudente, ils sont progressivement passés à une parole claire, directe et forte. Nous avons constaté enfin que, en intervenant dans le débat politique, la hiérarchie catholique ne cherche ni à porter atteinte à la laïcité de l’État, ni à se substituer aux hommes politiques  mais à « atteindre la conscience de l’homme et de la femme ivoiriens, pour leur montrer leur dignité et les aider à en faire bon usage, faciliter une justice effective, avec un souci plus grand des pauvres, des marginaux, des petits, des migrants, en un mot de ceux qui sont souvent laissés pour compte » (Jean-Paul II, mai 1980). En d’autres mots, en donnant régulièrement leur point de vue sur la gestion de la Cité, les évêques semblent nourrir une seule ambition : que les gens ne s’entretuent pas, qu’ils puissent vivre en paix les uns avec les autres. C’est le lieu de souligner que l’Église catholique est l’une des rares institutions à oser se prononcer, de façon permanente, sur les événements socio-politiques en Côte d’Ivoire.

Tel qu’il se présente, ce travail ne prétend pas avoir fait un tour exhaustif de la question. Par exemple, il aurait été fort utile d’avoir davantage de témoignages de la part des communautés religieuses protestantes et musulmanes sur la laïcité et sur la crise déclenchée en septembre 2002 (questions sur lesquelles tous les imams ne parlent pas le même langage), d’aborder la question de l’impact des lettres pastorales sur la vie politique ivoirienne (impact quasiment nul dans la mesure où les évêques reconnaissent eux-mêmes ne pas être écoutés par les hommes politiques comme en avril 2005 lorsque, contrairement au vœu des prélats, le président Laurent Gbagbo prit un décret autorisant tous les signataires de l’accord de Marcoussis à participer à la future présidentielle) ; il eût été non moins intéressant d’évoquer les relations que les missionnaires entretenaient avec le pouvoir politique avant 1960. Relations que Yao Bi, Pierre Kipré et Éric Lanoue qualifient de bonnes. Relations d’autant plus bonnes que les deux parties avaient un ennemi commun : le communisme. Les avantages tirés par les missionnaires de cette collaboration dans la lutte contre le communisme sont l’accroissement de l’aide matérielle et financière du gouvernement aux Missions et les décorations (c’est le cas du P. Méraud à Memni en 1935, du P. Bedel à Dabou en 1941 et du P. Pérez à Moosou en 1955)[6]. Nous espérons que les membres du jury ne nous en voudront pas trop pour ces limites qui sont celles de tout jeune chercheur. En implorant d’avance leur bienveillance et leur indulgence, nous tenons à les remercier une fois de plus d’avoir pris le temps de lire notre travail et d’avoir honoré de leur présence cette soutenance.


[1] Antonio Porcellato, La parole de Mgr Yago en matière sociale et politique, Abidjan, ICAO, 1982 ; Emmanuel Zabsonré, L’évangile dans le contexte socio-politique, aujourd’hui. Le cas de la Côte d’Ivoire, Abidjan, ICAO, 1992 ; Yao Bi Ernest, L’Église catholique en Côte d’Ivoire : Influences du catholicisme sur  la société ivoirienne pendant la période précédant l’indépendance. 1930-1960, Paris, Université de Paris I-Sorbonne, 1991) ; Marc Kouakou Kouamé, État et Église catholique en Côte d’Ivoire de 1960 à 1990, Abidjan, Université de Cocody, 1997 ; Bernard Tondé, L’Église en Côte d’Ivoire au seuil du 3e millénaire. Panorama général des textes officiels de la CECI[1] :1965-2000, Rome, 2000.

[2] E. Lanoue, « École catholique et décolonisation ecclésiale… », Archives de sciences sociales des religions, 128, octobre-décembre 2004.

[3] 5, rue Monsieur, dans le VIIe arrondissement.

[4] E. Fouilloux, Au cœur du XXe siècle religieux, Paris, Les Éditions ouvrières, 1993, p. 11.

[5] Les Français des années troubles, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, pp. 7-8.

[6] Eric Lanoue, « Le temps des missionnaires n’est plus… », Cahiers d’Études africaines, n°s 169-170, 2003, pp. 199-220.

dimanche 22 juin 2008

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite 4)

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite 4)

          Le livre VIII des Confessions, traitant de la conversion morale de St Augustin, est le sommet de l'ouvrage, le dénouement de la crise. Presque tout cycle pictural traitant de la vie de St Augustin contient une reproduction de l'épisode du jardin de Milan. La scène dépeint St Augustin pleurant sous un figuier. Il entend une voix partie de la maison voisine, une voix de garçon ou de jeune fille qui chantait et répétait à diverses reprises "Prends, lis! Prends, lis!"(1). Alors il reçoit cela comme un avertissement divin, au sens technique augustinien du terme, à prendre le livre des Ecritures. Que lit-il? Un passage de l'épître aux Romains de St Paul: "Ne vivez pas les festins, dans les excès de vin, ni dans les voluptés impudiques, ni dans les querelles et les jalousies, mais revêtez-vous de Notre Seigneur Jésus-Christ, et ne cherchez pas à contenter la chair dans ses convoitises."(2). Une bonne partie de la recherche du XXè siècle a été occupée par la controverse sur la nature de la conversion de St Augustin. Etait-ce au néoplatonisme? Etait-ce au christianisme?

          Pierre Courcelle(3) montre que cette conversion a deux aspects. Il y a une conversion réelle à ce moment de la vie  de St Augustin, nous ne pouvons en douter. Il s'est converti à la vie chrétienne qu'il mènera à Cassicianum et à Thagaste. Il est hors de dooute que les platoniciens chrétiens de Milan ont infléchi son idée de christianisme et son idéal chrétien. La vie du sage antique, telle que la décrit Cicéron et le néoplatonisme, a également joué un rôle. La vie monastique telle qu'il a commencé à la connaître à Milan, a également marqué sa conversion. A partir de ces expériences, St Augustin a développé son idéal chrétien de vie commune, fondé sur la vie des premières communautés chrétiennes, comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres et la vie des communautés philosophiques, telles qu'elles étaient décrites dans l'Hortensius.

          Au livre IX des Confessions, St Augustin décrit la période qui va de sa conversion à la mort, à la fin de 387. Le sommet de ce livre est "la vison d'Ostie"(4). Le baptême de St Augustin est à peine mentionné, à la différence de la vision de Saint Augustin et de Sainte Monique qui est évoquée avec beaucoup de détails. Toute une controverse s'est développée pour savoir si cette vision d'Ostie était mystique. Nous pensons pour notre part que St Augustin nous a donné une des descriptions de son expérience mystique dont la nature est à déterminer: St Augustin a eu des intuitions brèves, directes de Dieu. Mais il a été déçu et recherche une vision durable avec l'aide de Dieu en sa vie. En raison d'une lecture précise de l'épître de Paul aux Galates, il a renoncé à ce projet au moment des Confessions. Beaucoup de ses premiers ouvrages à Cassiciacum, à Rome et à Thagaste sont à comprendre comme des purifications intellectuelles préparant l'ascension de l'esprit vers Dieu. Les premiers travaux sur l'âme consistent à la tourner vers l'intérieur pour se connaître elle-même. Le terme mystique est rarement utilisé par St Augustin et jamais dans le sens de la mystique espagnole du XVIè siècle, et pourtant St Augustin a assurément une saisie intuitive de la nature de Dieu.

          Bien que le livre X des Confessions constitue une transition littéraire entre les neuf premiers livres et les trois derniers, il est signifiant en lui-même: St Augustin témoigne de son état d'esprit actuel. Si les Confessions, dans leur ensemble, peuvent être décrites comme une ascension de l'esprit vers Dieu, alors le livre X est un microscosme de tout l'ouvrage. Après une brève introduction, St Augustin va de la création matérielle à son moi. Il distingue le moi humain à partir d'une analyse précise, mais longue de la mémoire dans sa quête de bonheur. Il décrit ensuite ses tentations comme évêque à partir de la triple concupiscence. Ainsi, le livre se termine par une réflexion sotériologique sur le Christ comme véritable médiateur entre Dieu et les hommes. Et Augustin peut ainsi laisser épancher son coeur en ces termes: " Tard je t'ai aimée, Ô Beauté si ancienne et si neuve, tard je t'ai aimée! Mais quoi! tu étais au dedans de moi, et j'étais, moi, en dehors de moi-même! Et c'est au dehors que je te cherchais; je me ruais, dans ma laideur, sur la grâce de tes créatures."(5)

          Les livres XI à XIII sont une exégèse essentiellement allégorique, de Gn 1,1-31. Ces trois livres peuvent constituer le sommet de l'ascension vers Dieu dans la mesure où les hommes peuvent la connaître en cette vie. Les élévations des livres VII et IX des Confessions se terminent par une vision fugitive, partielle. Mais la connaissance que les hommes ont de Dieu en ce monde est "en miroir et en énigme et non face à face." Nous trouvons dans ce livre sa réflexion sur le temps(une distension de l'âme), sur la Création, la Trinité, les différents sens et interprétations des textes bibliques et sur l'amour comme poids de l'âme, par lequel l'âme trouve sa place dans l'univers.

Dr AKE Patrice Jean

Maître-Assistant de Philosophie

patrice.ake@ucocody.ci

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  1. AUGUSTIN(St).- Confessions VIII,12,29, (Paris, Belles Lettres 1925)
  2. Rm 13,13
  3. COURCELLE(Pierre).- Les Confessions de la tradition littéraire: antécédents et postérité. (Paris, Etudes augustiniennes 1963)
  4. AUGUSTIN(St).- Confessions IX,10,23, (Paris, Belles Lettres 1925)
  5. AUGUSTIN(St).- Confessions X,27,38, (Paris, Belles Lettres 1925)

samedi 21 juin 2008

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite3)

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite3)

          Pendant le temps qu 'il passa à Carthage, puis à Rome et à Milan, St Augustin vivait avec une femme de Numidie, dont le nom nous reste inconnu. Elle lui donna son fils bien-aimé Adéodat. Comme St Augustin et cette femme n'étaient pas du même rang social, ils ne pouvaient pas se marier d'après la loi romaine. Cependant, une femme vivant ainsi, avait des droits d'après la loi - elle était "civilement"sa femme. Elle aimait certainement St Augustin et lui resta fidèle, faisant voeu, quand il lui demanda de partir, de ne jamais en aimer un autre. Rétrospectivement, St Augustin critique sa recherche du plaisir pendant cette alliance. Mais il n'indique pas plus dans les Confessions que dans ses autres ouvrages que l'attitude critique qu'il aura par rapport à cette relation l'a orienté vers une éthique sexuelle puritaine.

          En quittant le manichéisme, St Augustin en vint pour un temps assez bref au scepticisme. Bien qu'il ait connu l'académisme de Cicéron, il ne fut pas un sceptique comme les académiciens ni en théorie, un peu comme Descartes, mais après s'être engoué pour le manichéisme, il hésitait à donner son assentiment intellectuel à autre chose, afin de ne pas en venir aux mêmes erreurs. Il n'en demeure pas moins que le scepticisme de cette période se cache en partie derrière le Contra academicos. La réfutation du scepticisme est un thème récurrent dans les écrits de St Augustin.

         St Augustin fut un enseignant réputé, d'abord à Thagaste, sa ville natale, ensuite à Carthage, puis à Rome. De Rome, il partit pour Milan, où grâce à l'appui des manichéens, il obtint le poste de rhéteur impérial. Là, il rencontra St Ambroise, une rencontre qui fut décisive pour St Augustin qu'historique pour le christianisme. Par intérêt professionnel, il vint écouter les sermons de St Ambroise, mais il est probable que son intérêt allait au-delà de la rhétorique. St Augustin apprit par St Ambroise que le christianisme n'accepte pas les doctrines des manichéens et leurs révendications. St Ambroise lui montra surtout l'intérêt de l'exégèse allégorique. Ainsi comprit-il la nature spirituelle de l'image de Dieu en l'homme et l'origine du mal, qui réside, non dans un principe mauvais mais dans le libre choix de la volonté.(1) A Milan, St Augustin fut également introduit dans un groupe informel de lettrés (le cercle milanais) dont beaucoup étaient des intellectuels chrétiens. Leur but était de comprendre les mystères chrétiens avec l'aide des néoplatoniciens. Marius Victorinus était leur modèle. C'était un rhéteur s'intéressant à la philosophie qui s'est tardivement converti au christianisme, alors qu'il venait des cercles païens, influencés par Porphyre. On ne sait pas quels sermons d'Ambroise, Augustin a effectivement entendus, mais l'influence d'Ambroise sur Augustin demeure certaine, forte et durable, depuis ce moment jusqu'à la fin de la polémique pélagienne, même si elle a été peu étudiée.

          Les livres VII et VIII des Confessions sont les deux livres les plus étudiés de l'ouvrage. Bien que schématique, la division entre la conversion intellectuelle et la conversion morale pourrait, comme l'a montré St Augustin lui-même se répartir ainsi. Le livre VII correspond à la conversion intellectuelle, le livre VIII à la conversion morale. Le livre VII des Confessions a été important pour les chercheurs du XXè siècle, parce que St Augustin y évoque sa rencontre décisive avec les  platonici. Il pensait, au départ, que plusieurs théories néoplatoniciennes correspondaient à l'enseignement chrétien. Mais il décrit les théories qu'il a lues, dans des livres qui lui avaient été donnés peut-être peut-être par un néoplatonicien chrétien milanais non chrétien, en citant le Prologue de l'évangile de St Jean. L'utilisation d'un tel procédé littéraire rend difficile l'identification des traités qu'il a lus. Ailleurs, nous apprenons que ces livres étaient peu nombreux mais de grande inspiration.(2) La plupart des chercheurs contemporains concluant que St Augustin a lu Plotin et Porphyre peut être une simplification supplémentaire puisque Porphyre est l'éditeur et le commentateur de Plotin. Les Sententiae de Porphyre étaient jointes aux Ennéades de Plotin. Nous ne connaissons l'un des ouvrages de Porphyre, le De regressu animae que par l'intermédiaire de St Augustin qui l'a certainement lu lors de sa conversion intellectuelle et ensuite peut-être par le caractère descriptif de son titre.

          A partir de sa lecture et de sa comparaison du platonisme avec l'Ecriture, St Augustin commence à affirmer ce qu'il a maintenu pendant toute sa vie: seul le christianisme réalise les aspirations au bonheur des philosophes antiques. Le mieux qu'ait pu faire la sagesse antique, c'est d'avoir envisagé la fin de l'humanité: l'union à Dieu. Les philosophes n'ont pas trouvé les moyens pour atteindre cette fin: ils ont vu la patrie, mais non pas la voie. Le Christ est le seul chemin par lequel l'être humain peut accéder au salut. Si le néoplatonisme et le christianisme semblent enseigner des doctrines analogues, en réalité, il n'en va pas du tout ainsi. Cela apparaît nettement à propos de la Trinité, de la métaphysique de l'être et du non-être, du mal, de la Providence divine, de l'omniprésence de Dieu et de la théorie épistémologique de l'illumination. Mais surtout, ce que St Augustin n'a pas trouvé chez les néoplatoniciens, c'est l'incarnation du Christ et le salut de cette incarnation. Comme résultat direct de la lecture de ces livres, St Augustin a eu quelques expériences spirituelles.

A suivre.......

Dr AKE Patrice Jean

Maître-Assistant de Philosophie à l'UFR-SHS de l'Université de Cocody

patriceake@ucocody.ci

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  1. COURCELLE(P.).- Les Confessions dans la tradition littéraire: antécédents et postérité. (Paris, Etudes augustiniennes, 1963)
  2. C. Accad. II,2,5

vendredi 20 juin 2008

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite2)

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite2)

          St Augustin évoque les principaux événements de sa vie comme des conversions dans les Confessions. Au livre III, il raconte l'une de ses conversions en ces termes:" C'est en telle compagnie que, dans cet âge encore sans consistance, j'étudiais les manuels d'éloquence, désirant y exceller dans le dessein condamnable et frivole de goûter les joies de la vanité humaine. Or, en suivant le cycle normal des études, j'en étais arrivé au livre d'un certain Cicéron, dont on admire plus généralement la langue que le coeur."(1) Ce passage rappelle sa lecture de l'exhortation de Cicéron à la philosophie: l'Hortensius, à l'âge de 18 ans, au début de ses "études universitaires". Les commentateurs ont été surpris par la réaction extraordinaire de St Augustin, le jeune génie, à la lecture d'un ouvrage mineur d'un philosophe secondaire. Mais, à l'époque de St Augustin, il ne faut pas oublier que l'éducation se faisait essentiellement à partir de Cicéron. De plus, l'Hortensius apporte à St Augustin un avertissement, au sens technique du terme: l'exhortation de Cicéron sert d'occasion à l'introduction à la vie philosophique a été durable pour St Augustin.

          L'Hortensius a été le livre de référence à Cassicianum: St Augustin a utilisé le livre qu'il l'avait tant marqué à l'âge de 18 ans comme un document pour enseigner aux étudiants du même âge l'expérience et la capacité de réflexion. Comme le livre est perdu, les ouvrages de St Augustin sont les principales sources pour retrouver des fragments ou des extraits de l'Hortensius et ils jouent un rôle majeur dans toute tentative pour reconstituer l'ouvrage. Les catégories de pensée de Cicéron, en particulier le fait que tous cherchent le bonheur et que la philosophie est un chemin de vie dans la recherche de la vérité, restent marquée dans l'esprit de St Augustin jusqu'à la fin de sa vie. La rencontre de l'Hortensius a amené St Augustin à lire la Bible, de la même manière que la rencontre des libri platonicorum, rapportée au livre VII des Confessions l'a amené à lire St Paul. Toutefois, à l'âge de 18 ans, il s'éloigna de la Bible, car il trouvait que son style ne correspondait pas aux canons de la rhétorique cicéronienne.

          Un tel orgueil intellectuel a amené St Augustin au manichéisme, une religion orientale, fondée par Mani, qui disait qu'il était lui-même prophète et même l'Esprit Saint lui-même. Cette secte eut une grande influence sur les cercles aristocratiques du IVè siècle en Afrique du Nord. Si St Augustin adhère à la secte, où il resta comme auditeur pendant neuf à onze ans, c'était parce qu'elle prétendait lui donner une explication rationnelle du monde, indépendamment de la foi, ainsi qu'une théorie déterministe du monde, indépendamment de la foi, ainsi qu'une théorie déterminsite du mal. Quelque neuf ans plus tard, demeurant fidèle à ses principes, St Augustin rejeta le manichéisme, précisément parce qu'il ne pouvait pas lui donner les explications promises. A son époque, et même aujourd'hui, St Augustin est accusé de crypto-manichéisme, essentiellement parce qu'il opte de manière ambiguë pour le dualisme. En fait, il y avait des manichéens clandestins à l'intérieur de l'Eglise catholique, mais St Augustin n'en faisait pas partie. Il s'opposa, au contraire, à de telles accusations dans les Confessions et dans les autres ouvrages. Le manichéisme présente la mythologie philosophique, la méthodologie théologique et la pseudo-exégèse scripturaire que St Augustin s'est attaché à réfuter tout au long de sa carrière et en particulier dans les quinze années qui ont suivi sa conversion au christianisme. Jusqu'au XXè siècle, St Augustin était la principale source pour connaître le manichéisme. Aujourd'hui diverses sources confirment qu'il a donné une description juste, bien qu'incomplète, de la pensée manichéenne. Une telle description avait pour fonction chez St Augustin de réfuter le manichéisme, non d'en donner un exposé théologique.

A suivre

Dr AKE Patrice Jean

Maître-Assistant de Philosophie à l'UFR-SHS de l'Université de Cocody

patrice.ake@ucocody.ci

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  1. AUGUSTIN(St).- Les Confessions III,4,7-9, (Paris, Belles Lettres 1926)

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN

          Pour Frederick Van Fleteren(1), les Confessions sont l' un des principaux livres de St Augustin, un chef d' oeuvre littéraire, théologique et philosophique. Cet ouvrage d' Augustin, le plus étudié au XXè siècle, continue à retenir l' attention des historiens, des philologues et des psychologues. Grâce à lui, nous connaissons mieux les épisodes de la jeunesse de St Augustin que ceux des grands hommes de l' Antiquité. Le récit de sa rencontre décisive avec le néo-platonisme, telle qu' elle est évoquée au livre VII des Confessions, a retenu l' attention des philosophes et des théologiens. La conversion au monachisme a intéressé les artistes, aussi bien que les théologiens et les littéraires de notre époque. Son attention aux états intérieurs de l' être humain et leur description a suscité l' intérêt des philosophes et des psychologues. Son usage de la rhétorique continue à être étudié à la fois en lui-même et comme un outil liturgique, littéraire et théologique.

          Bien que plusieurs livres revendiquent le titre du premier ouvrage littéraire "moderne", les Confessions contiennent, sans y prétendre, cette revendication dans leur titre, étant donné que c' est le premier livre qui explore largement l' état intérieur de l' esprit humain et les rapports mutuels de la grâce et de la volonté libre, des thèmes dominants dans l' histoire de la philosophie occidentale et de la théologie. Bien que des parties des Confessions aient pu être écrites et rendues publiques avant leur édition finale, il ne semble pas y avoir eu différents stades de rédaction de l' ouvrage. Pierre de Labriolle, un traducteur des Confessions, de l' Université de Poitiers pense que "Augustin acheva les Confessions dans les toutes dernières années du IVè siècle"(2). Il est plus précis un peu plus loin: "(Elles peuvent être avec sécurité placées vers la fin de 397 ou au commencement de 398"(3)

          Le motif de la rédaction de cet ouvrage est discuté. Son but originel doit avoir été de décrire la conversion de St Augustin du manichéisme au christianisme, en raison des accusations donatistes selon lesquelles St Augustin était resté un crypto-manichéen, une accusation erronée que le pélagien Julien d'Eclane reprit quelques trente ans plus tard et que quelques-uns parmi les critiques comme Wundt reprennent au XXè siècle. D' après une théorie, St Augustin raconterait les commencements mêmes du monachisme en Afrique que nous retrouvons dans les livres VI et VIII des Confessions. Un autre motif est le suivant: St Augustin a, pour la première fois, pris conscience du rôle fondamental de la grâce divine pour le salut de l' être humain. Ainsi il utilise dans l' ouvrage des épisodes de sa propre vie pour illustrer ses thèses théologiques. Ce motif biographique, comme les autres, fournit l' occasion des Confessions. Toutefois, plusieurs motifs ont pu amener St Augustin à écrire ce livre.

          Le principe d' unification de l' ouvrage a également été l' objet de nombreuses recherches et de vifs débats durant la plus grande partie du XXè siècle. Certains auteurs ont suggéré une vision en deux parties (livres I-VIII, pré-conversion, livres IX-XIII, post-conversion), l' ouvrage est clairement divisé en trois parties: les livres I à IX traitent de la vie passée de St Augustin, le livre X de son état présent, les livres XI à XIII sont un commentaire de Gn 1,1-31. Il va de soi que St Augustin n' a jamais voulu écrire un classique de la littérature, et, par conséquent rechercher leur unité peut être vain. Cependant, la présence de certains thèmes montre que les Confessions peuvent avoir été un tout. C' est l' histoire de l' itinéraire vers la conversion, une odyssée de l' âme. La chute et le retour de l' âme à Dieu domine l' ensemble. Si l' ascension de l' âme vers Dieu est un thème central, d' autres chercheurs ont retenu la recherche et la découverte de la vérité, comme principe d' unification des Confessions. D' autres, encore, ont dit que la manière dont St Augustin traite de la mémoire au livre XI (2,26) comme impliquant une mémoire du passé, une intuition du présent et une anticipation de l' avenir, correspond aux trois divisions principales de l' ouvrage (livres I-X, X, XI-XIII). D' autres ont recherché le principe unificateur de l' ouvrage dans les différentes significations du terme confessions: confession du péché, confession comme témoignage de l' état présent, confession de foi et de louange. Bien que chacune de ces significations du terme confessio soit présente quand le terme est utilisé, même si la confession du péché prédomine dans les neuf premiers livres, la confession comme témoignage intervient au livre X et la confession de foi et de louange dans les livres XI à XIII.

          Les trois vices (la libido, la superbia et la curiosita) correspondent dans les Confessions à la division tripartite de l' âme et éclaire une manière possible d'envisager l' unité des Confessions. Il est possible que St Augustin ait donné le thème unificateur dans le premier paragraphe du livre, et peut être dans les mots les plus célèbres de l' oeuvre: "Vous nous avez faits pour vous et notre coeur est inquiet jusqu'au ce qu' il se repose en vous."(4) A la fin de l'ouvrage, St Augustin lui-même n'a pas trouvé le repos, mais son exégèse de Gn 1,1-31 dit où le repos peut être trouvé; En fait, il ne peut avoir un, mais plusieurs thèses unificateurs de l'ouvrage, reliés entre eux dans tout le livre.

A Suivre.....

Dr AKE Patrice Jean,

patrice.ake@ucocody.ci

 

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  1. VAN FLETEREN(Frederick).- "Les Confessions" in Encyclopédie St Augustin. La Méditerranée et l' Europe. IVè-XXIè siècle (Paris, Cerf 2005), pp. 324-331
  2. DE LABRIOLLE(Pierre).- Introduction aux Confessions (Paris, Belles Lettres 1925), p. V
  3. DE LABRIOLLE(Pierre).- Introduction aux Confessions (Paris, Belles Lettres 1925), p. V
  4. AUGUSTIN(St).- Confessions, Livre I,I,1 (Paris, Belles Lettres 1925)

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite1)

LES CONFESSIONS DE ST AUGUSTIN(Suite1)

          De même, la nature précise de l' ouvrage a été l' objet de débats. Dans les dix premiers livres, St Augustin présente des événements déterminés de sa vie; Il ne dit pas quels ont été ses critères de sélection, mais il ne nous donne pas davantage des informations autobiographiques précises que le lecteur curieux aimerait connaître, tout comme il s' attarde à des questions qui ont peu d' intérêt biographique. En fait, St Augustin ne nous a pas donné une autobiographie au sens moderne. Il ne s' intéresse à l' autobiographie que dans la mesure où sa vie illustre une théologie anthropologique (ou une anthropologie théologique): la vie humaine est le produit des décisions libres, guidée par la grâce de Dieu jusqu' à son terme.

          Quelques commentateurs ont douté de l' historicité de certaines parties de l' ouvrage, en particulier de la conversion intellectuelle au livre VII et de la conversion morale au livre VIII. En fonction des affirmations de St Augustin et de ses principes d' exégèse, sa véracité ne peut pas être mise en doute. Au livre X,1,1, il évoque son intention de dire la vérité en ces termes: <<Mais vous " vous avez aimé la vérité" puisque "celui qui réalise la vérité vient à la lumière". Je veux donc la réaliser dans mon coeur devant vous par les aveux que je fais, et devant un grand nombre de témoins par ce que j' écris ici-même.>>(1) Quelle que soit la signification du terme "vérité" dans ce contexte, ce passage plaide pour l' historicité de l' ouvrage. Ensuite, St Augustin choisit des événements dans sa vie et dans la vie des autres qui illustrent au mieux ses positions philosophiques et théologiques. Un tel choix ne s' oppose pas à l' historicité, il la justifie même. En cela le Prof. Assalé Aka-Bwassi Dominique a raison d' écrire ceci: " La réflexion d' Augustin sur le sens de l' histoire l'a sûrement conduit à une théologie de l'histoire qui établit que Dieu est au coeur de l'histoire des hommes. Mais c' est plus sûrement par la conviction moins augustinienne que Dieu est présent dans l'histoire de chaque homme que cette théologie elle-même a été possible."(2)

          Troisièmement, St Augustin nous dit souvent, conformément à l' exégèse paulinienne, qu' un sens symbolique, loin d' exclure les faits historiques, en dépend plutôt. L' exemple que St Paul prend de Sarah et d'Agar, d'Isaac et d'Ismaël(3) comme symboles de deux Testaments, indique cette harmonie entre la réalité et le symbole. Quatrièmement, St Augustin utilise une "forme littéraire" pour raconter les récits de conversion, dans les Confessions. Cette forme littéraire, il ne l' invente pas - en fait, c' est la base pour l' essentiel de la littérature ancienne et de l' écriture - mais il est le premier à l' appliquer à sa conversion. Une telle forme littéraire n' exclut pas l' historicité des événements racontés. Bien plutôt, elle indique comment St Augustin interprète les autres conversions à la lumière de la sienne. La réflexion. La réflexion sur sa ^propre conversion fournit une sorte de formule pour présenter les autres. De fait, son récit des événements est stylisé. Bien qu' il mette l' accent sur les choses et non sur le verbe, St Augustin est essentiellement un rhéteur. Il devait à peine connaître et par conséquent il n' a presque pas suivi les canons contemporains de la "méthode historique".

          Conformément à la nature de St Augustin comme "quelconque", les Confessions I et II décrivent la petite enfance de St Augustin - l' ouvrage suit les âges de l' homme, tels que nous les trouvons dans le monde ancien: infantia, pueritia, adulescens, juventus. Dans les deux livres, St Augustin est décrit comme pécheur. il est le fils prodigue partant loin de la maison paternelle. Il ne décrit pas les événements de son enfance à partir des souvenirs qu'il en a, mais plutôt en fonction de la réflexion sur la nature de la petite enfance et de l' enfance en général, comme il l'a observée chez d' autres enfants. Il en va de même pour l' adolescence. Le vol des poires est à peine un événement qui peut avoir un intérêt autobiographique. En fait, St Augustin s' intéresse beaucoup plus à une théologie biblique de la grâce qu' à une autobiographie. En  fonction de la remarque marginale du livre II, où St Augustin écrit:"Je les entendais se vanter de leurs vilenies et se glorifier d' autant plus qu'ils étaient plus infâmes; et j' aimais à faire comme eux, non seulement pour le plaisir, mais aussi par gloriole"(4), nous nous apercevons qu'il a inventé des histoires de prouesses sexuelles pour les raconter à ses camarades, car il n' avait rien à leur dire à l' époque. Nous pouvons penser qu' Augustin n' a pas été le grand pécheur qu'il dépeint. Le rhéteur africain et le théologien oppose constamment la misère humaine et la miséricorde divine.

A suivre................

Dr AKE Patrice Jean

Maître-Assistant de Philosophie à l'UFR-SHS de l'Université de Cocody

patrice.ake@ucocody.ci

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  1. AUGUSTIN(St).- Confessions X,1,1 (Paris, Belles Lettres 1926)
  2. ASSALE AKA-BWASSI Dominique.- St Augustin et la théorie de l' historicité (Abidjan, CRDI 2003), p. 1
  3. Ga 4, 22-24
  4. AUGUSTIN(St).- Confessions II,3,7 (Paris, Belles Lettres 1926)

mercredi 11 juin 2008

LA CRITIQUE DE LA MEMOIRE DANS LA GENEALOGIE DE LA MORALE DE FRIEDRICH NIETZSCHE

        LA CRITIQUE DE LA MEMOIRE DANS LA GENEALOGIE DE LA MORALE DE FRIEDRICH NIETZSCHE

  INTRODUCTION

          La mémoire est un thème complexe qui touche à la fois, la psychologie, la psychanalyse, la biologie, la sociologie et la philosophie. Sur le plan psychologique, elle a été conçue d' abord comme une fonction psychique, consistant dans la possibilité de conserver des représentations et de faire ressurgir dans le champ de la conscience. Elle est une suite d' idées, en outre, qui forment une espèce de chaîne. C' est cette liaison qui fournit les moyens de passer d' une idée à une autre, et de se rappeler les plus éloignés.(1) Faculté essentielle permettant aussi bien la construction des conduites symboliques et langagières sur lesquelles reposent les cultures, la mémoire a été l' objet de techniques visant à améliorer sa productivité depuis la plus haute Antiquité. On oppose parfois la mémoire à l' intelligence, mais la seconde dépend évidemment de la première.

          Au plan psychanalytique, il existe aussi une théorisation de la mémoire qui sollicite trois niveaux d' examen: celui de l' inscription, celui du paradigme archéologique et celui de la mémoire infantile. Le premier niveau, celui de l' inscription, consiste à ne pas considérer la mémoire comme faculté spécifique, mais comme système de fonctionnement d' unités permanents discontinues, à savoir les traces mnésiques. Le deuxième niveau, celui du paradigme archéologique de la mémoire, fait se porter Freud jusqu' à l' idée de fameux héritage archaïque recueilli dans la langue et dans les mythes. Enfin, le troisième niveau, celui de la mémoire infantile, est constitué par le rêve, avec à la fois le rapport du rêve au mythe, et le rapport du rêve à la langue par le biais de l'associativité.

          En biologie, la mémoire renvoit au système nerveux et à ses éléments qui interviennent dans la mise en mémoire d' une part, et pose aussi le problème de l' existence des éléments qui sont le siège de la mémoire, c' est-à-dire où se trouve codée l' information requise de l' autre.

          Enfin, la sociologie parle de la mémoire, au plan collectif. Elle désigne ainsi, l' ensemble des cadres sociaux qu' un groupe fournit à la conscience individuelle pour la reconstruction des souvenirs.(2) La mémoire est ainsi constituée des conventions verbales formant les systèmes de différenciation chronologique, topologique, significative et logique, qui permettent aussi bien la spécification de la représentation isolée de l' événement que sa localisation dans le temps et l' espace.

          Nous voulons dans ce présent travail nous intéresser au thème philosophique de la mémoire, dans la Généalogie de la Morale de Friedrich Nietzsche, un philosophe allemand né à Röcken, près de Leipzig, le 15 Octobre 1844. Il est le fils d' un pasteur. Après ses études, il est appelé à la chaire de philologie classique de l' université de Bâle. En 1870, il s' engage comme volontaire dans le conflit franco-allemand. De retour à Bâle, il entre en relation avec le milieu intellectuel bâlois - l' historien Jacob Burckhardt, l' ethnographe J.J. Bachofen- et rend de fréquents visites à Richard Wagner qui réside tout près, aux environs de Lucerne. Gravement atteint dans sa santé, Nietzsche demande à être relevé de ses fonctions de professeur. Dès lors commence sa vie errante entre Sils-Maria(en été), Nice, Menton et plusieurs villes italiennes. C' est à cette période que paraît Généalogie de la Morale. Nietzsche, n' a pas été le premier philosophe à avoir parlé de la mémoire. Le XIIIè siècle déjà en parle, dans deux domaines spécifiques: la théologie et la philosophie. Le ternaire "mémoire-intelligence-volonté" constitue un des principaux instruments de la théologie trinitaire.(3)

          Le domaine philosophique conjugue, avec le souvenir de la réminiscence platonicienne, les leçons de la psychologie d'Aristote et de celle d'Avicenne. Aux sources de la définition de la mémoire, nous retrouvons St Augustin d'Hippone et les développements de celle-ci à l' époque médiévale. Avant d' en arriver à Nietzsche, notre critique contemporain de la mémoire, arrêtons-nous  dans un premier moment, aux sources philosophiques et à ses développements médiévaux et la critique qu'en fait Nietzsche. Dans un second moment, nous verrons ce que Nietzsche nous propose à la place de la mémoire.

  1. LA CRITIQUE NIETZSCHENNE DE LA MEMOIRE DANS LA GENEALOGIE DE LA MORALE 

1. SOURCES

          St Augustin, avec le grand ternaire "mémoire-intelligence-volonté"(4) désigne par memoria, le principe d' où le Verbe est engendré en Dieu. Les Confessions évoquent la profondeur abyssale de la mémoire(5). Aristote présente, outre des notations éparses sur De Anima, le traité sur la Mémoire et la réminiscence(6). Avicenne, notamment en son De Anima qu' il a d' abord été considéré comme un commentaire de celui d'Aristote enseigne une doctrine originale de la mémoire, car elle est connectée avec le thème d' illumination intellectuelle par l' Intellect Agent séparé.

2. LES DEVELOPPEMENTS MEDIEVAUX

          Les maîtres du Moyen-âge s' efforcent ici e concilier d' une part la théorie augustinienne de la mémoire qui, orientée vers la transcendance à la façon de la réminiscence platonicienne, parle de "mémoire du présent" pour la présence de l' âme à elle-même(7)- ce qui porte Pierre Lombard à la formule paradoxale de "mémoire du futur", comme l' observe Albert le Grand(8) -, et d' autre part la conception plus biologiste, d'Aristote, qui lie la réminiscence à l' expérience sensible. L' intrication des questions de noétique (illumination par les Idées divines) au sein de l' acceptation augustinienne crée d' épineuses difficultés.

          St Bonaventure se fait une objection de l' acceptation aristotélicienne à propos de l' âme image trinitaire:

"La mémoire, comme le dit Aristote, concerne les choses sensibles"(9), il la résoud ainsi:

" La notion de la mémoire possède trois acceptions: la première acception, en tant que faculté de recevoir et de conserver les choses sensibles et pensées; la seconde en tant que faculté de recevoir et de conserver aussi bien les choses sensibles que les intelligibles; la troisième en tant que faculté de conserver les formes intelligibles d' une manière qui abstrait de toute différenciation temporelle, c' est-à-dire comme faculté des formes intelligibles innées. C' est en ce troisième sens que la mémoire fait partie de l' image trinitaire"(10)

          Le terme "inné" excluant l' acquisition de la forme intelligible par voie empirique, il peut expliquer comme origine de toute pensée intellective:

"A partir de la mémoire naît l'intellection au titre de son rejeton. Nous sommes en effet en activité l'intellection quant la forme intelligible qui est dans la mémoire vient se projeter dans le regard de l' intellect."(11)

"L' opération de la mémoire, c' est de retenir et de rendre présentes non seulement les choses présentes, corporelles et formelles, mais encore les successives, les simples et les sempiternelles. La mémoire retient les choses simples comme le sont les principes des choses spatiales et des choses discrètes, tels les points, l' unité, sans lesquels il est impossible de se ressouvenir ou de penser concernant ces choses. Elle retient tout aussi bien les principes des sciences et des des anciennes qui sont sempiternels et les retient sur le mode sempiternel, car elle ne peut jamais les oublier quand elle use de la raison, et mieux encore, dès qu' elle les entend énoncer, elle les approuve et leur donne assentiment, non parce qu' elle les discernerait de nouveau, mais parce que lui étant innés elle les reconnaît comme ses familiers."(12)

          St Albert le Grand rassemble plusieurs définitions de la mémoire (Algazel, Isaac Israëli, Grégoire de Nysse, Origène, Platon, Jean Damascène) et leur oppose celles d'Aristote, Avicenne et Avérroès.(13) Sa mise au point montre qu' elles se résument en trois conceptions fondamentales: mémoire comme habitus, comme faculté, et enfin comme objet de réminiscence.(13) Déterminant ensuite l' objet de la mémoire, il montre avec Al-Fārābī qu' il intègre trois composantes: d' abord le discernement du passé; ensuite, l' image reportant à la chose remémorée; enfin, l' élément d' ordre intentionnel qui, résultant du travail de la raison sur des matériaux d' images, constitue l' image comme image, comme principe d'anamnèse référant à la chose discernée comme passée.(14)

          St Thomas d'Aquin, en son Commentaire du De memoria et reminisc., montre que la mémoire, au sens propre, ne concerne ni les choses présentes, ni les futures, mais seulement celles qui sont passées. Passées, non pas quand aux réalités elles-mêmes, mais quand à l' appréhension qu' on en a faites.(15) Le mémoire concerne la conservation des images et des connaissances d' ordre sensible, mais il n' y a de mémoire proprement dite qu' avec un discernement concomitant du temps. La perception du passé comme passé implique celle de la distance de ce passé par rapport au moment présent. Si la mémoire est déterminée comme appartenant à l' âme sensible, c' est-à-dire au sens commun, selon Avicenne, elle ne relève que par accident de la partie intellective de l' âme, en tant que, chez l' homme, la mémoire des intelligibles est liée aux images.(16)

          L' activité de se ressouvenir, la réminiscence, n' est pas identique à la mémoire comme telle. Elle est un mouvement vers ce qui est devenu mémoire. Située au terme de ce mouvement, la mémoire est un contenu de connaissance, notitia, qui est désormais détenu à l' état d' habitus.(17) A cette opération de se remémorer, de nombreux êtres animés, en dehors de l' homme, prennent part, tandis l' homme est le seul être à exercer  l' activité de réminiscence parmi tous les êtres animés. Car la réminiscence se développe à la manière d' un syllogisme qui part de principes pour accéder à la conclusion. C' est une recherche qui, à partir de ce qui est déjà remémoré, se développe non au hasard, mais est conduite par l' intention de parvenir à l' un des contenu déterminé de la mémoire. Cette démarche menée en vue d' arriver à quelque chose d' autre suppose un pouvoir de délibération, ce qui est propre à l' homme.(18)

          Au niveau intellectif, là où se situe la mémoire, selon St Augustin, St Thomas propose un remaniement doctrinal important. Il ménage une double rupture: d' abord avec la thèse avicienne du caractère labile des formes intelligibles communiquées lors du contact avec l' Intellect Agent illuminateur; ensuite avec la leçon de Pierre Lombard interprétant le ternaire memoria-intelligentia-voluntas comme un faisceau de trois facultés constituants l' essence de l' âme. St Augustin a formellement exposé au livre XIV è de la Trinité que l' intelligence et la volonté sont des activités. Il est manifeste qu' il n' entend pas ces trois termes au sens de trois facultés. par mémoire (memoria) il entend la rétention par mode d' habitus qu' opère l' âme; par intelligentia (intelligence), l' acte l'intellection; et par volonté (voluntas) l' acte de vouloir.

          Cette restitution de la mémoire a un sens d' opération intellective s' accompagne d' une analyse critique de la noétique d'Avicenne. Celle-ci, postulant à la suite d'Aristote qu' il n' y a de savoir mémorisé qu' au niveau sensitif, situe l' Intelligence Agente extérieure à l' homme l' ensemble des formes intelligibles en acte. Dotant l' âme humaine d' un intellect possible personnel. St Thomas explique que la nature de celui-ci est plus stable et plus dégagée du mouvement (d' altération-corruption) que celle de la matière sensible. Notre intellect reçoit et retient ses formes intelligibles sur un mode stable et inamissible.

"Ainsi la notion de mémoire entendue comme pouvoir de conserver les formes intelligibles doit être reconnue comme une propriété de la partie intellective (de notre âme). Mais à définir par son objet, le passé en tant que passé, il est impossible de le situer dans la partie intellective, mais seulement dans la partie sensitive, celle qui connaît les choses comme particulières. En effet, le passé en tant que passé, par ce qu' il signifie qu' une chose a l' être en un temps déterminé et révolu, réfère à la condition de chose particulière" exclusivement sensible(20)

A suivre............

Dr. AKE Patrice Jean, Maître-Assistant en Philosophie à l'UFR-SHS de l'Université de Cocody

E-Mail:      patrice.ake@ucocody.ci

 

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  1. P. LECOQ, "Mémoire" dans Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1588
  2. O. CLAIN, "Mémoire" dans Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591
  3. Pierre LOMBARD.- Sentences, I, surtout, d. 3, cc. 2-3, Grottaferrata. R. cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591
  4. AUGUSTIN(St), Trinité, X, XI, 17, BA 16, p. 152s cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  5. AUGUSTIN(St), Confessions, BA 14, p. 557-567, n. comp. 14: la mémoire selon St Augustin) cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  6. ARISTOTE, Mémoire et la réminiscence Bekker 449b-453b7; coll. Univers, France, Petits traités d'histoire naturelle, trad. R. Mugnier, p. 53-63 cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  7. AUGUSTIN(St), Trinité, XIV, XI, 14, BA 16,384, cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  8. ALBERT le Grand(St), In I Sent. d. "a. 30, Sol. Paris 1893, t. 25, 119 cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  9. BONAVENTURE(St), In Sent. d. 3PIIa 1q. 1 diff. n°3, Quaracchi, I, p. 80 cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  10. BONAVENTURE(St), In Sent. d. 3PIIa 1q. 1 diff. n°3, ad. 3 Quaracchi, I, p. 81 cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  11. Itiner. c. 3 $ 5, V, p. 305.
  12. Breviloquium, c. 3 $ 2, V., p. 303
  13. ALBERT le Grand(St), S. de Creat., II, q. 40 a 1, Paris 1896, t. 35, p. 340 cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  14. ALBERT le Grand(St), S. de Creat., II, q. 40 a 1, Sol. Paris 1896, t. 35, p. 343s cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  15. THOMAS d'AQUIN(St), In de mem. et rem., lect., 1, Parme 1866, t. 20, p. 198s  cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  16. THOMAS d'AQUIN(St), In de mem. et rem., lect., 2, Parme 1866, t. 20, p. 201  cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  17. THOMAS d'AQUIN(St), In de mem. et rem., lect., 4, Parme 1866, t. 20, p. 200  cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  18. THOMAS d'AQUIN(St), In de mem. et rem., lect., 8, Parme 1866, t. 20, p. 213  cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  19. THOMAS d'AQUIN(St), S. Théo. I, q. 79 a 7 ad. 1; cf. q. 93 a. 7 ad. 3  cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s
  20. THOMAS d'AQUIN(St), S. Théo. I, q. 79 a 6 ad. 1; cf. S. c. Gentiles II, c. 74  cité par E WEBER, "Mémoire" dans  Encyclopédie Philosophique Universelle II, les notions philosophiques, Dictionnaire, (Paris, PUF 1990), p. 1591s

vendredi 6 juin 2008

LE RENOUVELLEMENT DE LA QUESTION DE L'ETRE DANS ETRE ET TEMPS DE MARTIN HEIDEGGER

          Dans le Sophiste de Platon(1) que Heidegger  reprend dans l'Avant-propos de Etre et Temps, l'Etranger et Thééthète s'entretiennent au sujet des doctrines pluralistes de l'Etre. L'Etranger demande à son interlocuteur l'explication de l'expression(il, est). Pour lui, cette explication doit être comprise dans les deux termes (il, est). Ainsi, le tout de cette explication est connu d'avance. Mais, si cette explication est encore à déterminer, c'est que l'inconnu est un troisième terme à connaître. Il lui donne le nom d'Etant et cet Etant conduit le chercheur dans l'embarras.

          Pour Heidegger, connaître l'Etant, est un véritable combat de titans. Car l'interprétation de l'Etant conduit à poser la question du sens de être. L'interprétation de être conjugue, en effet, deux ordres de difficultés redoutables: celui de la détermination ontologique du sens de être, d'une part; celui de la situation herméneutique sui generis dans laquelle nous nous trouvons essentiellement (c'est-à-dire existentiellement) impliqués à son égard.

          Au moment où en Europe, les sciences mathématiques connaissent une crise de fondements( combat du formalisme et de l'intuitionnisme)(2), et où les sciences physiques sont confrontées au problème de la matière, Heidegger pense qu'il faut renouer avec la tradition perdue et oubliée de la métaphysique, à savoir l'interprétation de l'Etre. Pour lui, toute ontologie demeure aveugle si elle n'a pas tiré au clair le sens de l'Etre(3). En effet, si l'Etre est le concept le plus obscur, cette obscurité ou cette nuit peut devenir, nous semble-t-il, le lieu de rencontre même de l'Etre. la nuit, n'est-elle pas le temps où, le monde visible s'estompant, le monde de l'Etre peut atteindre l'homme? Qu'y a-t-il de plus favorable à la métaphysique que la nuit? La nuée, lumineuse ou ténébreuse n'est-elle pas un symbole de l'inconnaissable? Dans ce sens, pour Heidegger, le sens de l'Etre demeure enveloppé d'obscurité(4). Il lui fait un degré de limpidité approprié(5);

          Dans ce questionner, M. NDA Serge St Clair a essayé un chercher de l'Etre dans le renouvellement de cette question dans Etre et Temps de Martin Heidegger. Il lui fut une méthode de recherche que lui fournit Heidegger. Cette méthode a besoin d'un travail préparatoire qui consiste à l'observation du Dasein dans sa quotidienneté pour faire émerger l'Etre de cet Etant.(6) La méthode est analytique mais cette analytique n'est pas encore une interprétation. Il s'agit de dégager l'horizon pour l'explicitation de l'Etre la plus originale. Cet horizon ne peut se faire que dans le temps, d'où l'idée de la temporellité du Dasein. (7)

Dr AKE Patrice, Maitre-Assistant à l'UFR-SHS de l'Université de Cocody

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(1) Sophiste 244a

(2) Etre et Temps (Paris, Gallimard 1986), p. 33

(3) Ibidem, p. 35

(4) Ibidem, p. 27

(5) Ibidem, p. 28

(6) Ibidem, p. 42

(7) Ibidem, p. 43