LE MAPOUKA-SERRE OU PAR DELA LE BIEN ET LE MAL
Par Dr AKE Patrice Jean, Maître-assistant en Philosophie à l’UFR-SHS de l’Université de Cocody
Par MAKOUPA-SERRÉ, nous entendons la danse AYIBÊBOUH ( Remue les fesses : en Appolonien). Cette danse serait venue du Ghana. C’est une danse que les jeunes filles dansent le soir au clair de lune sur une rythmique particulière faite de roulements de tam-tam et au son Ahoussi (instrument de musique). À cette occasion, les jeunes filles (généralement bien en chair dans les régions de Côte) se présentent sur la scène pour danser en mettant en valeur leurs atouts féminins. Nous parlons musique. Pour l’Édzukru, chanter - edz-egŋ - et danser - edz-ub -, comme leurs noms le disent, sont deux espèces d’un même genre, encore que la première conditionne la seconde. Nous ne distinguerons donc pas ici dans le MAPOUKA-SERRÉ, la musique de la danse. Par un phénomène soit d’emprunt, soit de création, soit de restauration, la danse AYIBÊBOUH du Ghana est devenue MAPOUKA-SERRÉ dans les villages de Grand-Lahou, Jacqueville, Yocoboué (chez les Avikam, les Alladian,...). Cette danse prend place à côté de nombreuses autres comme aja, mide, dubl, alifret, amida, anege. Les Édzukru, par exemple ont emprunté aux peuples voisins des danses dont la quantité témoigne de l’importance des échanges culturels inter-ethniques. Aux Ébrié, ils ont pris asrgbÉ, dzuwa, mbaw, sãgwa; aux Dida, bagwa, kedzre, asãpwa, plesir. Les Alladian leur ont enseigné aboñre, et kakafue, les N’Zima, viktoria, les Avikam, niñrã, les Abidji, ndÉre...C'est à Nigui Saff dans le département de Jacqueville qu'est né la Mapouka-Serré. Le Mapouka est avant tout une danse répandue dans la région de la côtière à la suite de sa transformation en 1995 par l'adjudant Avi Emmanuel. En vue de la moderniser, il en a fait une danse axée sur le travail fessier. Pour danser le Mapouka, il faut avoir le tronc droit, avoir les autres parties du corps figées et faire bouger les muscles fessiers. Ceci en harmonie avec le rythme des percussions des batteurs. Le Mapouka dans sa version originelle est en fait un ballet. Au rythme des tam-tams, cette danse s’exécute en mettant l'accent sur les mouvements de fesses, mais sans aucune exagération. <<Mettre tout en sécurité, donner à manger à la maisonnée avant le rendez-vous du rythme et de la danse>>. Voici ce que signifie <<Mapouka-Serré>>.Mais pourquoi le philosophe et le psychologue s’intéressent au MAKOUPA-SERRÉ?
<<Depuis la haute Antiquité>>, la danse a suscité les réflexions des philosophes. ARISTOTE, dans sa Poétique, s’interroge sur la valeur de cet <<art mineur>> et conclut qu’il dépend du sujet, de la méthode et du procédé d’imitation; PLATON, qui fait de la danse le critère de la bonne éducation, lui consacre une étude approfondie, surtout dans les Lois. Pour lui, celui qui peut <<exécuter de belles danses>> le doit; mais quelles sont les belles danses? Cela varie selon les goûts et les personnalités, et il ne faut pas toujours vivre selon l’opinion des plus nombreux. Il est très difficile de juger une œuvre d’art, celui qui le fait doit conserver son indépendance d’esprit. La danse a des vertus thérapeutiques, c’est un moyen de prier et de se préparer à défendre sa patrie.
Dans son acceptation la plus générale, la danse est l’art de mouvoir le corps humain selon un certain accord entre l’espace et le temps, accord rendu perceptible grâce au rythme et à la composition chorégraphique. Qu’elle soit spontanée ou organisée, la danse est souvent l’expression d’un sentiment ou d’une situation donnée, et peut éventuellement s’accompagner d’une mimique destinée à la rendre plus intelligible. Répondant à une aspiration inhérente à l’homme, elle a pu être considérée par certains, sans doute à juste titre, comme le premier-né des arts, car elle obéit à une impulsion irrésistible, satisfait tant le sens artistique que l’exultation nerveuse ou musculaire. Elle a pour instrument parfois exclusif, le corps qui engendre sa propre rythmique. La danse apparaît comme le reflet de la civilisation, des croyances comme de la psychologie de ceux qui l’élaborent. Tout groupe humain, tout individu se définit par la façon dont il danse, ou dont il apprécie telle manière de danser.
La danse est donc une suite de mouvements volontaires, harmonieux, rythmés, ayant leur fin en eux-mêmes. La dans étant un art, comporte forcément un aspect esthétique, exprimé par le terme <<harmonieux>>, car il n’y a pas de beauté formelle absolue d’un mouvement, celle-ci variant selon les temps et les lieux. Le <<beau>> mouvement doit être conforme aux lois en vigueur où et quand il se produit. On peut distinguer deux aspects principaux : l’esthétique angulaire, dans laquelle les articulations sont pliées, généralement à angle droit, et l’esthétique linéaire qui recherche les longues lignes souples. La première est celle de toutes les formes primitives, mais aussi des formes très évoluées comme les danses de l’Inde et du Sud-Est asiatique (Cambodge, Thaïlande, Bali,..). La seconde est celle de la danse classique, mais aussi de la Grèce antique à partir de la fin du VIè siècle avant J.-C. des femmes arabes, japonaises,...
Un art est une organisation: le mouvement de danse ne peut pas être anarchique dans le temps, pas plus dans l’espace et la forme. Il doit donc respecter un rythme, mais celui-ci peut aller du plus simple au plus complexe. Le critère essentiel du mouvement de danse c’est sa gratuité. Deux mouvements ayant une forme rigoureusement identique, par exemple le geste du semeur et celui du danseur qui <<se met en position à la barre>>, peuvent être ou non de la danse. Si l’action est faite pour obtenir un résultat qui lui est extérieur, ce n’est pas de la danse. Cette finalité en soi du mouvement de dans n’empêche pas de l’utiliser pour exprimer un sentiment ou une idée, mais ce ne sont pas ce sentiment, cette idée, qui le créent, il leur préexiste, et le même mouvement peut être employé pour des sentiments ou des idées différents les uns des autre. Utilisation n’est pas raison d’être.
La danse fut d’abord un art instinctif dans un contexte magico-religieux. C’est un élément capital des rites magiques. Dans certains cas, par des mouvements particuliers répétitifs, elle conduit à l’extase et à la dépersonnalisation, qui peuvent provoquer des mouvements convulsifs violents, non contrôlés, donc ne pouvant plus être considérés comme de la danse. Devenue art conscient, elle a entraîné la notion d’artiste concepteur et d’artiste créateur. Le concepteur est le chorégraphe qui combine ou imagine les éléments de la chorégraphie. Le créateur est le danseur. Dans le vocabulaire du ballet ce mot désigne celui qui danse un rôle pour la première fois. La particularité de la danse est qu’elle est un art autonome n’ayant besoin d’aucun apport extérieur: le musicien a besoin d’un instrument, le peintre de couleur, le sculpteur d’un matériau, le cinéaste d’un film...Le danseur n’a besoin que de lui-même. Il est sa propre œuvre d’art. En revanche, celle-ci est fugitive et instantanée, elle ne laisse aucune trace: sa création est sa destruction. Elle ne peut être fixée, de façon imparfaite, que par des moyens extérieurs comme le cinéma.
Les formes prises par l’art de la danse sont multiples bien que ses éléments de base soient limités par les possibilités physiques du corps ; par exemple, il n’y a que cinq façons de sauter (des deux pieds sur deux pieds, d’un pied sur un même pied, d’un pied sur deux pieds, de deux pieds sur un pied, d’un pied sur l’autre). Néanmoins, les possibilités de variantes sont infinies. Certaines formes de danse se sont développées et constituées en style aux règles précises: classiques espagnole, hindoues (Bharata Natyam, Kathak, Kathakali, Mohini Attam, Manipouri, Odissi,...) Opéra chinois,...Ce qui entraîne la création d’Écoles cherchant une pédagogie appropriée et pouvant apporter des nuances différentes au sein d’un même style. Si les grandes lignes restent constantes, le temps apporte une évolution, plus ou moins nuancée selon les conceptions: une danse à caractère religieux, comme celle de l’Inde, est beaucoup moins susceptible de modifications qu’une danse spectaculaire, comme la danse classique. Aujourd’hui, la recherche constante d’innovations provoque une proliférations de formes diverses cherchant systématiquement ce qui n’a jamais été fait, parfois au détriment de l’esthétique, le but n’étant pas de faire <<beau>>, mais de faire <<nouveau>>. Très souvent ces nouvelles formes sont sans rapport avec les caractéristiques propres des pays où elles naissent: le Buto n’est pas marqué par la danse japonaise; l’expressionnisme est né simultanément en Allemagne et aux États-Unis avec des principes de bases identiques, sans qu’il y ait communication entre les deux arts.
Et l’Afrique dans tout cela? C’est ici qu’intervient le psychologue pour dire qu’en Afrique, la danse a partie liée avec le sexe. Quand nous parlons d’Afrique, nous ne faisons pas de différence entre l’Afrique précoloniale et l’Afrique contemporaine. Nous ne voulons pas dire que dans l’AYIBEBOUH traditionnel, les femmes mettaient en valeur leurs atouts féminins merveilleusement, avec simplicité, sans exagération et sans se courber grossièrement pour exhiber ce qu’elles ont derrière. Ce serait idéaliser démesurément la Tradition. Nous savons que la Tradition a ses aspects positifs comme ses aspects négatifs. Mais selon les traditionalistes, le présent a valeur de régression. Tout ce qui est ancien est beau, tandis que le nouveau est vilain. En effet, pour celui qui juge ainsi, le MAPOUKA serrait trop serré. Car, <<en transposant le MAPOUKA dans le contexte moderne, les jeunes ont ajouté quelques ingrédients; c’est-à-dire en y mettant des formes plus arrondies, des mouvements un peu plus dévergondés avec inclination avant pour accentuer le côté sexy. Et les garçons chantent en disant des mots obscènes pour encourager les filles à se surpasser comme : “serrez madiaba! serrez madiaba makossa”>> Et les accusations se poursuivent:<<Figurez-vous que déjà pour danser le MAPOUKA-SERRÉ, surtout pour faire trembler les fesses, certaines filles n’hésitent pas à enlever leur slip. Car dit-on, le slip ça serre les fesses et les empêche de trembler normalement. Et pourtant, à l’origine dans les villages de Grand-Lahou, Jacqueville, Yocobouet, les jeunes filles n’ont jamais eu besoin d’enlever leur ablakon pour danser le MAPOUKA>> Il y a ici une trop grande idéalisation de la tradition. Des danses sénégalaises traditionnelles montrent depuis toujours des femmes qui se trémoussent bien et qui n’ont parfois rien sous le pagne. Le problème n’est pas le nu. Car être nu, c’est être sans parole.
Ce qu’il faut comprendre et admettre, c’est que toutes nos danses en Afrique sont sexy. Nous ne devons pas en avoir honte. Dans les danses comme le MAPOUKA-SERRÉ c’est le pagne qui est serré. Le pagne est serré, pour qu’on ne voie pas le sexe de la femme. Mais il donne à tous l’envie de voir ce qui est dessous. C’est à cause de la parole que le Nommo a mise dans le tissu. Cette parole est le secret de chaque femme et c’est cela qui attire l’homme. Il faut qu’une femme ait des parties secrètes pour qu’on les désire. Une femme qui danserait le MAPOUKA-SERRÉ nue, personne ne se lèverait pour danser avec elle, même si elle est d’une grande beauté. Si elle n’a rien sur les reins, le cœur de l’homme ne la désire pas. La femme ornée de parures, les hommes la veulent même si elle n’est pas belle. Une femme très belle sans ornements, les hommes s’en détournent. La parure est un appel à l’amour; elle remplit son office d’attirer l’homme, comme l’a voulu le Nommo.
Le problème de la censure du MAPOUKA-SERRÉ relance ainsi le débat du normal et du pathologique. Selon CANGUILHEM, dans son acceptation proprement médicale, le terme de <<normal>>, ne possède pas une valeur descriptive, mais une valeur normative. L’état de l’organisme que le malade demande à la médecine de restaurer, c’est l’état normal. Mais cet état n’est pas dit normal parce qu’il est éprouvé par le malade comme une valeur à laquelle il confronte son état présent. C’est en ce sens qu’on peut dire que la santé parfaite n’existe pas: le concept de santé n’est pas celui d’une existence mais celui d’une norme. Ce qui fait la normativité de cette norme, c’est la normativité de la vie elle-même qui réclame pour son exercice les conditions les meilleures. Il s’ensuit qu’il n’existe, pour le vivant, de normativité qu’en référence à un milieu. Une anormalité, c’est-à-dire une particularité statistique, qu’elle soit morphologique ou fonctionnelle, ne devient pathologique que par la confrontation du vivant qui en est le porteur dans le milieu où il se trouve tenu de vivre. Le pathologique ce n’est donc pas l’absence de normes, mais la présence d’autres normes; celles qui obligent l’organisme à vivre dans un milieu <<rétréci>>. Corrélativement, le contraire de <<pathologique>> ce n’est pas <<normal>>, c’est <<sain>>, au sens où la santé c’est justement la capacité de tolérer le maximum de normes différentes au sens où l’organisme sain c’est celui qui n’est pas asservi à un milieu particulier.
Le MAKOUPA-SERRÉ serait-il moral ou amoral, décent ou obscène, normal ou pathologique, vrai ou faux? Qu’il soit tout cela à la fois ou pas du tout, ce n’est pas, à notre avis une objection contre le jugement; voilà peut-être l’une des affirmations les plus surprenantes de notre langage nouveau. Le tout est de savoir dans quelle mesure le MAKOUPA-SERRÉ est propre à promouvoir la vie, à l’entretenir, à conserver l’espèce, voir à l’améliorer. Admettre que le non-vrai est la condition de la vie, certes c’est résister dangereusement au sentiment qu’on a habituellement des valeurs, et une philosophie qui se permet cette audace se place déjà, de ce fait, au-delà du bien et du mal. Tel est le sens du titre : MAKOUPA-SERRÉ par delà le Bien et le mal.
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