vendredi 23 avril 2010

LE PRETRE IMAGE DU CHRIST SERVITEUR OBEISSANT SUITE ET FIN

LE PRETRE IMAGE DU CHRIST, SERVITEUR OBEISSANT

LE CHRIST NOTRE MODELE

Quel modèle pour le prêtre aujourd’hui ? Il va sans dire que notre modèle : c’est le Christ, à la suite de qui nous sommes engagés. C’est lui que nous voulons imiter. Nous voulons être prêtre à son image. Le Christ, comme le dit Urs von Balthasar, est « la parfaite mise de soi-même à la disposition de Dieu qui devient d’elle-même parfaite mise à la disposition des hommes » au point d’en devenir tout entier « oreille[1] ». La caractéristique fondamentale de l’obéissance du Christ est donc sa capacité à se faire tout écoute, à se laisser pénétrer par la parole d’un autre. C’est ce même Christ qui dit à l’heure de l’effroi et de la révolte : « Non pas ma volonté, mais la tienne ». Il laisse ainsi entrevoir la disposition fondamentale de sa relation à Dieu qui écoute dans une confiante réception des mots, des actes qui viennent de Dieu et qui donnent sens à son épreuve. Une telle disposition rend capable d’aller jusqu’au bout de soi-même et, comme le Christ, de se faire « obéissant jusqu’à la mort de la Croix » (Ph 2,8) Si tel est le modèle que nous avons tous en face, quelle est la nature de notre obéissance ?

Il est vrai, le statut théologique du vœu solennel que prononce le religieux diffère de la promesse filiale de respect et d’obéissance que prononcent les ordinands envers l’Ordinaire et ses successeurs. Cependant, leur engagement n’en est pas moins identique. Le vœu solennel d’obéissance et l’engagement filial d’obéissance de l’ordinand traduisent la mise de soi-même à la disposition de Dieu devenant, par la médiation ecclésiale, mise à la disposition à la volonté d’un autre, le supérieur hiérarchique et – ou l’Ordinaire. C’est dans un tel contexte de relation filiale que l’obéissance a un sens et garantit la communion. Le Concile Vatican II dit à ce propos : « Tous les prêtres, tant diocésains que religieux, en raison de l’Ordre et du ministère, sont associés au corps épiscopal. » LG28. Ce lien est essentiel car il est le motif de la légitimité de la qualité de prêtre qui nous est conférée. En d’autres termes, on n’est pas prêtre sans évêque. C’est de l’évêque que le prêtre reçoit l’autorité sacramentelle et l’autorisation pour exercer en tant que prêtre. Ainsi, comme collaborateur de l’évêque, le prêtre ne peut agir qu’en prolongeant dans chaque communauté ecclésiale l’action de son évêque. En différents lieux de culte, le prêtre rend la figure de pasteur de l’évêque présente aux fidèles. Par exemple, lors de la prière eucharistique.

ECOUTE

Jusque-là nous avons regardé l’obéissance comme devoir du prêtre envers son évêque à qui il doit respect et avec qui il cherche à établir une communion filiale, promesse de sa propre légitimité. Mais, il est remarquable que notre modèle, le Christ, n’a pas traité ses disciples de serviteurs mais d’amis. De même, les prêtres ne sont pas au service de l’évêque mais bien du peuple de Dieu. L’évêque ne peut utiliser et abuser de ses prêtres. Au contraire, comme un père qui a souci de chacun de ses enfants, c’est dans une amitié sincère et vraie que leur relation constitue un témoignage évangélique vrai. Le Concile d’ailleurs rappelle les devoirs de l’évêque envers ses prêtres : devoirs de pourvoir à leur bien-être matériel et spirituel, la promotion de leur sanctification, de leur formation permanente et l’aide nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches pastorales.(PO,7). Ainsi l’exigence de l’obéissance s’applique aussi à l’évêque. Il doit garder la foi qui croit que Dieu parle en lui, mais aussi chez le prêtre dont il a la charge. Aussi doit-il beaucoup écouter en se laissant guider par Dieu dans les décisions qu’il doit prendre pour le bien de l’Eglise dont il est le premier responsable. C’est pourquoi ses visites régulières aux prêtres constituent des moyens pour mieux les écouter. Ce double jeu de l’obéissance qui engage à la fois l’évêque et ses sujets, les ramène à l’expression basique de leur statut : à savoir, qu’ils sont dans la mission du Christ, des Fils, et non des intendants qui veulent s’accaparer de la mission et de la moisson. En réalité, c’est par le dialogue personnel, entre l’évêque et le prêtre, que la volonté de Dieu est recherchée et que tous les deux entrent dans la mission du Christ : mission d’écoute. On est frappé dans les évangiles par les épisodes où il est dit que le roi part en voyage en laissant la responsabilité de ses biens à des intendants. C’est un roi fou qui fait confiance à ses intendants, mais sans doute qui se voudrait discret afin que chacun de ses intendants puisse grandir, agir en fonction de ses talents et assumer pleinement ses responsabilités. L’essentiel est que ses intendants lui rendent compte de leur travail. L’intendant infidèle est celui qui se prend pour le propriétaire de la mission et qui ne rend pas compte.

OBEISSANCE ET TRADITION AFRICAINES

Je crois que saisir ainsi le modèle du Christ, c’est au fond toucher du doigt les fondements structurels de l’obéissance dans nos traditions africaines. N’est-ce pas que l’obéissance se traduit dans nos traditions par la capacité à l’écoute où la sage conception du pouvoir devient disposition intérieure à l’écoute de l’autre ? ne dit-on pas de cet enfant qu’il n’écoute pas pour dire qu’il n’obéit pas ? La désobéissance infantilise et cela est inacceptable dans nos traditions. L’évangile n’a pas la prétention d’évacuer nos traditions ancestrales, mais de leur donner la force de leur visée socio-politique et spirituelle pour autant que l’on puisse le dire. Ainsi, notre relation à l’obéissance, comme à la chasteté, est un point que les laïcs regardent avec beaucoup de circonspection. Certains d’entre nous pensent que les laïcs sont fiers d’eux parce qu’ils sont devenus des contestataires. Cette lutte de pouvoir solitaire est à l’opposé de ce que les laïcs vivent dans le cadre du travail où la corporation engagée dans un syndicat assure les revendications de ses membres. Cela est aussi à l’opposé de nos valeurs ancestrales qui considèrent qu’étant adultes nous avons acquis la capacité à l’écoute, la capacité à nous laisser atteindre par la parole d’un autre. Et comme chrétien et prêtre, responsable de la vie spirituelle des laïcs par délégation de la charge de l’Ordinaire, notre capacité à maintenir une relation de communion avec l’évêque et à rendre compte de notre travail légitimera, d’une part, notre être de prêtre, et d’autre part, rendra authentique notre collaboration à la mission du Christ.

LESDIFFICULTES QUI PEUVENT SURGIR AUJOURD’HUI

- Lorsque la rancœur s’installe, nous nous replions sur l’aspect cultuel de notre sacerdoce. Un des points que nous rappelle l’année sacerdotale qui va bientôt s’achever, c’est le caractère kérygmatique de la vocation sacerdotale. Le prêtre est appelé à proclamer l’évangile. Il ne pourra le faire si sa vie ne témoigne pas de l’évangile. Il perd aussi le caractère prophétique de sa vocation car le prophète vit au rythme de la parole qu’il entend chez Dieu et chez son peuple. La surdité que provoque la désobéissance et la contestation stérile fait que l’on est incapable d’entendre un autre et partant, le tout Autre.

- - On finit par se battre pour le partage du pouvoir et non le partage de la responsabilité. L’Eglise de jésus devient un champ de bataille et non de partage.

- Parfois l’antagonisme que suscitent les luttes de pouvoir, peut conduire à ignorer les besoins de nos fidèles. Aujourd’hui, devant les souffrances multiples que traversent les jeunes, les familles, les travailleurs et les chômeurs, nos luttes de pouvoir sont un scandale. Nous sommes interpellés à approfondir notre réponse au désarroi de nos paroissiens. Nous ne pouvons le faire sereinement que si nous entretenons entre nous la cohésion et la communion.

- Nous faisons prier le Notre Père aux fidèles laïcs. Reconnaissant en Jésus l’humilité de celui qui s’efface devant le Père. Pouvons-nous nous inviter à sa table sans vouloir nous laisser habiter par sa manière de penser et d’être ?

- Nous sommes des intendants : Cela aurait pu être notre identité première. Mais cette identité est limitée, car elle fait seulement écho à la capacité à gérer le bien d’autrui. Nous sommes surtout Fils, co-propriétaires des biens du Père. Ensemble, nous cheminons dans la collaboration, dans la fraternité pour devenir ensemble images du Christ, serviteurs obéissants.

QUESTIONS

- 1. Quel danger je peux courir à limiter mon ministère sacerdotal à l’aspect cultuel ?

- 2. Que faire lorsque la communion est brisée ?

- 3 ; Regardant le Christ en Croix, j’offre ma vie sacerdotale en me demandant : qu’ai-je fait pour le Christ ? Qu’est-ce que je fais pour le Christ ? Que devrais-je faire pour le Christ,

A SUIVRE

- Mardi Saint 30 Mars 2010, Récollection des Prêtres de l’Archidiocèse d’Abidjan, Ste Thérèse de Bingerville


[1] URS Von BALTHASAR.- les grands textes sur le Christ, coll. « jésus et jésus-Christ » n° 50, (Paris, Desclée, 1991), p. 158-161

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