lundi 29 septembre 2008

LA DEMOCRATIE DANS LE SYSTEME POLITIQUE DE LODJOUKROU, une alternative africaine antimoderne à la démocratie occidentale?

Résumé de la Communication

Nous pensons que la démocratie occidentale a échoué comme modèle unique de la démocratie à cause de l'échec même de la modernité (individualisme, rationalité, subjectivisme...) et aussi à cause de l'échec de toutes nos politiques africaines. Notre contribution à ce colloque "Démocratie, culture et développement à l'ère postcoloniale" s'inscrira dans l'axe: La démocratie: un concept universel, une problématique plurielle. La démocratie dans le système politique de Lodjoukrou est une démocratie africaine, d'une société lignagère à classes d'âge du Sud de la Côte d'Ivoire. Elle prendra comme (paradigme) modèle la société grecque antique et se présentera comme antimoderne. Pourrait-elle alors être une alternative à la démocratie moderne?

          Mots clefs: Démocratie, africain, politique, antimoderne, modernité, alternative

INTRODUCTION

Par définition, la démocratie appartient à la typologie des régimes politiques et désigne le régime politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple. Elle apparaît comme un rempart contre l’arbitraire et l’autorité et est opposée au réactionnaire. Elle est en outre un effort perpétuel des gouvernés contre les abus du pouvoir. Cette définition pose problème en ce sens que la démocratie que nous connaissons aujourd’hui, est le fruit d’une longue et lente évolution qui est partie de la démocratie antique. Nous y reviendrons. Car notre thèse est la suivante : pour bien comprendre les difficultés de la démocratie moderne et contemporaine, il nous faut repartir à l’antiquité, à l’origine. Ainsi, notre plan comprendra deux parties : la première, les difficultés que connaît la démocratie moderne et contemporaine. La seconde, un retour à la démocratie antique, par le biais du système politique de Lodjoukrou.

· LES DIFFICULTES DE LA DEMOCRATIE MODERNE ET CONTEMPORAINE AUJOURD’HUI

Ce n’est pas la première fois que les hommes d’Eglise organisent des colloques sur la démocratie en Afrique. Les Assises Théologiques de l’UCAO, lors des années académiques 1992-1993, puis 1993-1994, ont, par deux fois, planché sur la question de la démocratie. Le premier colloque a été soutenu par la conférence magistrale du professeur Joseph Ki-Zerbo, sur « La démocratie en Afrique, sa place et son avenir sur le continent. » Vous trouvé l’intégralité de son texte dans la publication susmentionnée[1]. Cette réflexion a été poursuivie l’année suivante, par le professeur René Degny Ségui, sur « les expériences actuelles de la démocratie en Afrique ». Sa conférence et le débat enrichissant qui l’a suivi, ont fait l’objet d’une publication que nous mentionnons en bas de page[2].

Les développements récents de l’actualité dans le monde ont montré que partout la démocratie a du mal à éclore véritablement : l’expérience russe qui intervient militairement en Georgie, pour citer un exemple européen, et le partage du pouvoir au Zimbabwe entre l’opposition et Mugabé, sans oublier le coup d’Etat en Mauritanie sont là pour le prouver. Je préfère m’étendre davantage sur la Côte d’Ivoire qui en ce jour du 20 Septembre 2008, célèbre ses 6 années consécutives de sa belle petite guerre qui a vu une accalmie notable avec les accords de Ouagadougou. Si la tentative de Coup d’Etat est blâmable et est un acte anti-démocratique, la perte de la souveraineté de la Côte d’Ivoire qui est passée sous mandat onusien ne l’est pas moins. Cette deuxième situation demande un petit commentaire.

En effet, j’ai lu, pour la préparation de cette conférence, un texte de Guy Hermet, intitulé « Gouvernance sans doute, mais pas contre l’Etat démocratique »[3] qui montre comment la Côte d’Ivoire et à travers elle, tous nos pays africains portent des habits neufs ou souvent trop rapiécés de la démocratie. Dans cette gouvernance planétaire, menée par les Etats-Unis, il est fait peu cas à nos jeunes nations, au motif de leurs imperfections et de leurs performances discutables. Ce qui m’a frappé tout au long de la crise ivoirienne, c’est l’immodestie d’un certain G.T.I., qui était un porte-parole auto-proclamé de nos populations, et qui voulait démocratiser la gouvernance de notre pays. Comment parler de gouvernance dans un pays, sans souveraineté ?

Le second texte de Kazancigil Ali qui a pour titre « Apprivoiser la mondialisation : vers une régulation sociale et une gouvernance démocratique »[4] répond à notre précédente interrogation. La gouvernance est une forme d’administration où les frontières se sont estompées entre secteurs privé et public et aux seins de ceux-ci. Elle se caractérise par l’implication, dans le processus de formulation des politiques, de l’Etat et des autorités locales aussi bien que du milieu des affaires, des syndicats et des acteurs de la société civile tels que les ONG et les mouvements de citoyens. Toutes les parties intéressées participent à ce processus de prise de décision, qui est relativement horizontal et semblable à une négociation, par opposition au style de gouvernement traditionnel, plus hiérarchique. Toutefois, cette participation est loin d’être égalitaire, puisque certaines des parties intéressées ont beaucoup plus d’influence que d’autres sur les résultats. La gouvernance, ajoute l’auteur, s’adapte parfaitement aux exigences de la scène transnationale, où l’autorité centrale n’existe pas et où les parties impliquées – les Etats souverains, les sociétés transnationales, les organisations internationales et, plus récemment, les ONG – élaborent des systèmes de régulation et des politiques spécifiques aux problèmes posés par l’intermédiaire des négociations.

Jusqu’à présent la gouvernance a été fondée sur les principes d’efficacité et d’efficience. Et c’est surtout là son problème. Car, elle est un moyen apolitique d’élaborer une politique. Le GTI a voulu dissoudre toutes les institutions ivoiriennes(Le Gouvernement, l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social…) Alors que vaut une démocratie, si les institutions représentatives n’existent pas. La démocratie, nous le savons, est basée sur la territorialité et les citoyens expriment leurs choix politiques dans les limites du territoire national. De plus, que vaut cette politique délibérative en démocratie ?

Dans le chapitre VII de son ouvrage Droit et Démocratie, entre faits et normes[5], traduit de l’allemand par Rainer Rochlitz et Christian Bouchindhomme, paru en 1992, et intitulé « la politique délibérative – un concept procédural de démocratie, Jürgen Habermas, nous permet d’entrevoir quelques caractéristiques de la démocratie.

Dans un premier moment, le premier élément empiriste qui l’aide à construire une théorie normative de la démocratie est la légitimité où le pouvoir de l’Etat se manifeste à travers la stabilité de l’ordre qu’il assure. Ensuite, la démocratie se laisse percevoir par les règles du jeu qui président au scrutin universel, la concurrence des parties et la domination de la majorité. Aussi, d’une part, le parti au pouvoir n’essaie jamais de restreindre l’activité politique des citoyens ou des partis, tant que ceux-ci ne tentent pas de renverser le gouvernement par le moyen de la violence. D’autre part, les partis qui ont perdu les élections ne tentent jamais, ni par la force, ni par des moyens illégaux, d’empêcher le parti gagnant d’exercer ses fonctions. Dans ces conditions, une alternance pacifique du pouvoir est assurée.

L’autre élément empirique que nous observons dans une démocratie est l’esprit de concurrence qui tire sa légitimité d’un vote majoritaire obtenu au terme d’un scrutin libre, universel et secret.

La démocratie, en outre, signifie qu’une partie du peuple domine l’autre pendant une durée déterminée. En démocratie, il ne s’agit pas de découvrir la vérité objective des desseins politiques. Il s’agit plutôt de montrer les conditions d’une acceptation démocratique des fins poursuivies par les partis. En ce sens, les arguments politiques fonctionnent comme des supports publicitaires, ou des armes déjouant l’emploi de la force physique, plutôt que comme des assertions susceptibles d’être interprétés comme des contributions au développement de théories vraies. Les concepts à teneur normative, mais vagues, qui sont ceux de la confrontation politique ont une signification émotionnelle ; leur fonction consiste à motiver l’engagement des masses. Le discours politique, par ce biais, possède une fonction sociopsychologique, non une fonction cognitive. Le pouvoir politique est une affaire de compromis.

Un autre élément qui est important dans une démocratie est, comme nous l’avons souligné plus haut, celui de la souveraineté populaire. Il provient de l’appropriation et de la réévaluation républicaine d’une conception qui remonte aux débuts des Temps Modernes et que se rattachent d’abord au souverain d’un gouvernement absolutiste. L’Etat, qui détient le monopole des moyens permettant l’usage légitime de la force, est représenté comme un concentré de pouvoir capable de dominer toutes les autres puissances de ce monde. Que ce soit la vision républicaine ou la vision libérale, toutes ces deux visions adoptent la prémisse problématique d’une conception de l’Etat et de la société dont le point de départ est un modèle du tout et de ses parties, le tout étant constitué soit par les citoyens souverains, soit par une Constitution.

La démocratie de Lodjoukrou a un concept de démocratie fondé sur la théorie de la discussion. Elle suppose l’image d’une société décentrée qui crée toutefois, au moyen de l’espace public politique, une arène spécialement chargée de percevoir, d’identifier et de traiter les problèmes intéressant la société dans son ensemble. Ici, on n’a plus besoin de concentrer la souveraineté, de façon faussement concrète, dans le peuple, ni de la confiner dans l’anonymat des compétences définies par le droit constitutionnel. Le Soi de la communauté juridique qui s’organise elle-même est résorbé par les formes de communication asubjectives qui régulent la formation de l’opinion et la volonté au moyen de la discussion, de façon à ce que leurs résultats faillibles aient toutes les chances d’être raisonnables. L’idée de souveraineté du peuple est interprétée dans ce cas dans un sens intersubjectiviste.

Dans un second moment, Habermas décrit la société démocratique comme une société polycentrique composée de grandes organisations, où l’influence et le pouvoir politique passent entre les mains d’acteurs collectifs et sont de moins en moins susceptibles d’être acquis ou exercés par des individus associés.

La société démocratique est, ensuite, la multiplication des intérêts de groupe en concurrence les uns avec les autres, qui rend difficile une formation impartiale de la volonté. Elle est encore, la croissance des bureaucraties étatiques et des tâches publiques, qui favorise la domination des experts. Elle est enfin, l’incompréhension croissante entre les masses apathiques vis-à-vis des citoyens mis sous tutelle.

Pour tout récapituler, disons que la démocratie obéit à un certain nombre de règles qui sont les suivantes : elle a pour trame le contrat social et la volonté générale. Pour Rousseau, ce régime parfait ne convient pas aux hommes ; seul un peuple de dieux se gouvernerait démocratiquement. Un peuple d’hommes n’a pas assez de vertus pour cela. Elle est la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir exécutif est joint au pouvoir législatif. La démocratie n’est pas un modèle politique, mais le modèle du politique.

Le fait démocratique va de pair avec le développement de la société industrielle. Il est l’ombre portée de la haine que vouent les hommes à toute politique oppressive et despotique et répond à un besoin d’indépendance économique, à une soif de liberté politique qui va grandissant avec la maturation de la conscience civique. La démocratie n’est valable que si elle n’est pas un consentement passif au pouvoir. La démocratie obéit à d’autres règles comme la participation politique d’un nombre aussi élevé que possible de citoyens intéressés. Les droits habituels autorisent la communication et le choix parmi différents programmes et différents groupes dirigeants. Une autre règle est la protection de la sphère privée. Le contenu minimal de la démocratie tient en la garantie des libertés de base, l’existence de partis en concurrence, les élections périodiques au suffrage universel et les décisions qui sont prises collectivement, soit fondées sur le compromis, sur des débats ouverts entre les différentes factions ou sur les différents alliés de la coalition gouvernementale. Mais la démocratie présente des difficultés d’ordre philosophique et d’ordre politique.

Au plan philosophique déjà, au gré des époques, le mot démocratie a évolué selon que le « demos » change de sens. Par exemple au XVIe siècle, le terme peuple a eu une dignité politique et a désigné les masses populacières que l’ensemble des citoyens (Machiavel, Thomas More, la Boétie, Discours de la servitude volontaire en 1548). Le terme peuple a aussi désigné cette masse lourde et lâche qui obéit aveuglément ou encore un corps public actif et vigilant. Aussi du courage ou de la veulerie du peuple dépend le régime politique d’un Etat. Si nous restons toujours à l’époque moderne, le peuple ne désigne pas l’ensemble des citoyens mais, tantôt les grands seigneurs de France, tantôt le Parlement des trois Etats (le Roi, la Noblesse et le Peuple). Le peuple a la vocation a la souveraineté, il est une masse d’hommes politiquement peu évolués.

Au plan politique la démocratie offre des vertiges (démocratie libérale, démocratie populaire, démocratie représentative, démocratie gouvernée ou gouvernante, démocratie consentante.) Elle n’est pas un concept abstrait mais s’accroche à des réalités sociales et économiques dont elle est tributaire. Elle n’est pas un schéma d’organisation politique applicable abstraitement et universellement. Elle ne saurait être une monocratie populaire. La représentation et les procédures électorales sont d’une importance capitale dans un régime démocratique dans laquelle la vie parlementaire est un principe fondamental. Elle est finalement une philosophie, une manière de vivre, une religion et, presque accessoirement une forme de gouvernement. Le malaise actuel de la démocratie est que nous en avons oublié son origine.

· ORIGINE DE LA DEMOCRATIE ET SYSTEME POLITIQUE DE LODJOUKROU

A l’origine, la démocratie antique peut s’identifier à la démocratie solonienne. En effet, Solon, l’archonte d’Athènes en 593 a.C. est le père de la démocratie antique (début Vie jusqu’en 330 a.C.) Il voulait moins le pouvoir du peuple que l’harmonie de la cité. Il voulait que la polis ressemble au kosmos et qu’elle soit caractérisée par l’eumonia, c’est-à-dire, la cohésion de la vie quotidienne, par la résistance à toute hybris, par la mesure et la pondération. Ainsi la démocratie solonienne n’avait pas pour visée de donner le pouvoir au peuple, mais d’imposer aux eupatrides et au peuple des concessions réciproques. C’est cette démocratie originelle que nous voulons privilégier au détriment de celle qu’ont installé Clitshène(508-462) et Périclès(462-411).

La démocratie solonienne s’apparente à celle du système politique de Lodjoukrou décrit par Memel Harris Fôté[6]. Pour l’auteur, analyser la structure du système politique, c’est d’abord présupposer déterminée, la période de l’évolution de la société dont on fait l’analyse : c’est, ensuite, présupposer une différenciation interne de la société étudiée. En effet, la société כdzukru est considéré, ici, en son état de complexité le plus avancé, au moment où la colonisation française la surprend, à la fin du XIXe siècle. Dans cette société existe une notion du pouvoir, bien articulée avec les structures socio-politiques, une notion qui exprime et occulte à la fois ces structures, ce qui par conséquent justifie de l’intérieur une anthropologie objective. Une différenciation et une stratification spécifique caractérisent cette société. Etant donné que pour les כdzukru le pouvoir suppose la société et se confond avec elle, nous disons que la notion fondamentale à laquelle accède toute anthropologie sociale est celle d’εb.

La démocratie de l’כdzukru, c’est d’abord sa culture. L’εb est une réalité sociale qui n’est intelligible pour ce peuple qu’en termes de biologie sociale. On appelle, εb-εs, père ou propriétaire de l’εb, celui-là qui le premier a exploré et délimité un territoire, défriché la forêt, planté le tout premier arbre (εb-likŋ), construit les premières habitations, conquis sur la nature d’un geste quasi-absolu. Son acte de fondation, instaurateur d’une société nouvelle, paraît un acte vital, c’est-à-dire de fécondation et d’engendrement ; fécondation par un mâle d’une terre femelle et inculte, engendrement d’un nouvel état de choses sur la terre métamorphosée.

Or, de qui aime la bonne chère, apprécie le confort, recherche la toilette et s’adonne aux plaisirs des sens, on dit littéralement qu’il « mange εb . » En ce sens, εb désigne l’ensemble des biens matériels que recèle la vie sociale et dont les individus peuvent, au sens large de ce concept, se nourrir.

La conception nutritive de la culture qui s’y cache et le rôle essentiel de l’idée de bouche confirment le contenu biologique de la notion. Outre les valeurs d’ordre matériel, la notion connote des valeurs sociales, εb-ir, l’habiter, a un triple sens : matériel, social et moral. Dire de jeunes mariés qu’ils habitent l’εb, c’est signifier qu’ils sont matériellement établis dans leur propre maison, avec les ressources propres, instaurant avec leurs parents et la communauté de nouveaux rapports sociaux où l’autonomie le dispute de plus en plus à la dépendance. D’un point de vue moral, dire qu’ils ne savent pas « habiter l’εb » ou que leur manière de l’habiter est mauvaise, c’est passer condamnation sur des conduites en désaccord avec les normes de la vie sociale.

Les valeurs spirituelles, enfin, ne sont pas exclues de ces valeurs sociales. Le Droit est si essentiel à la constitution d’un εb que toute transgression des lois est interprétée comme un affront ou un piétinement infligé à l’εb lui-même. C’est qu’au fond, cette notion désigne davantage que la culture.

L’εb désigne ensuite la société. Un village c’est l’εb ; là où l’כdzukru met ses ressources, ses trésors, sa vraie demeure, là où se déroulent les cérémonies rituelles, où se tiennent les grands marchés, là où vient la loi, et où reposent les ancêtres et où sa vraie dépouille est appelée à reposer. Le citoyen adioukrou est l’εb-ij par rapport à l’étranger. La citoyenneté est donnée par la naissance ou par l’âge, ou par l’initiation. La chose publique est l’εb-owi, la loi, εb-ol et le pouvoir politique, εb-esew.

Nos aurions voulu nous étendre davantage sur la société adioukrou, mais la notion de vie politique[7] nous a semblé plus importante à relever. Sous cette notion, nous subsumons l’ensemble des activités et fonctions ayant pour enjeu la société, et dont l’accomplissement engage le pouvoir en rapport avec toutes les composantes de cette société et avec les pouvoirs étrangers. Dans la vision כdzukru, six notions principales regroupent ces activités et ces fonctions : εb-eb, εbgnimn, εb-כsus, εb-dogŋn, εb-kok, εb-akpaal. Elles postulent que la politique est une pratique sociale collective, dominée par des fins d’ordre ontologique, éthique et esthétique.

L’εb-eb est un rituel qui, par la transmission du pouvoir, confie la société à un petit nombre pour qu’il la dirige comme on dirige une pirogue sur l’eau (eb-jimn). La notion d’εb-kok connote toutes les activités et fonctions qui « produisent et reproduisent » (kok = faire) l’existence matérielle et spirituelle de la société : l’économie (production des richesses et reproduction de la population), l’éducation (formation civique, militaire et artistique d’hommes et de femmes mûrs), la justice et l’hygiène (préservation et accroissement de la sécurité, de l’équité et de la santé), la religion (relation avec les ancêtres et les dieux pour le succès de toutes les fins). A cette production et reproduction de la société par elle-même, la notion d’εb-akaal (saklp = beauté – bonté) apporte une norme : le bien et le bel-être. Par εb-כsu, les כdzukru entendent la surveillance de toute la société et de sa culture selon diverses modalités : politique, militaire, intellectuelle, magique. Quant à la notion d’εb-dogŋn, elle recouvre l’idée d’une lutte dont l’enjeu est justement l’existence, le développement et l’embellissement ontologiques de la société globale.

Comme nous le constatons chez les כdzukru, la source du pouvoir vient du peuple, de l’assemblée du peuple. Il s’agit de la réunion officielle et publique des citoyens aux fins de connaître et de décider des affaires d’intérêt commun. Cette démocratie montre que le pouvoir s’acquiert de façon pacifique tous les huit ans, au terme d’une initiation d’une classe d’âge. L’εb-eb politise le fondement du pouvoir. Nous retrouvons l’harmonie du pouvoir de la démocratie solonienne ici. La sacralité se relativise ici. L’eunomie ce sont les ancêtres et leur bénédiction. Mais en plus, une offrande est exigée par chaque candidat à l’εb-eb. Cette condition sine qua non se ramène à un appel au consensus populaire, base historique du pouvoir. Cette révolution démocratique s’accompagne d’un recul de la séniocratie politique. Ce sont des hommes mûrs, hommes de moins de 75 ans qui viennent au pouvoir chaque huit ans, et pour une période limitée. L’eunomie se prolonge aussi dans la fonction religieuse des gouvernants, car chez les כdzukru, la fonction religieuse est la fonction primordiale du pouvoir politique.

CONCLUSION

La démocratie solonienne qui, pour nous constitue le modèle de toute démocratie, a connu une fin tragique en 561, lorsqu’Aristrate a effectué un coup d’Etat pour installer la tyrannie et celle-ci s’est prolongée en 510 par Hippias et Hipparque.  Puis Clisthène et Périclès ont installé de nouveau la démocratie. Mais cette nouvelle démocratie est restée trop théorique et trop formelle. Elle insiste trop sur la notion de souveraineté du peuple, au lieu de pencher vers l’harmonie de la cité. Bien sûr que la société adioukrou connaissait des inégalités avec l’existence de l’esclavage, mais celle-ci était bien intégré dans la cohésion sociale comme dans la démocratie solonnienne. La seule chose qui pour notre part manque encore à cette démocratie, c’est son ouverture au Transcendant. J’entends l’intégration d’une idée comme seule du bien commun comme seule critère valable pour l’instauration d’une vraie démocratie[8].

BIBLIOGRAPHIE

· ANTOINE (P.).- Démocratie aujourd’hui (Paris, 1963)

· ARON (Raymond).- Démocratie et totalitarisme (Paris, Gallimard 1965)

· BURDEAU(G.) in Cahiers de Philosophie politique et juridique n°1, « Démocratie qui es-tu ? n° 2, Démocratie et Philosophie, Caen 1982.

· BURDEAU(G.).- La démocratie, Paris ; Club Jean Moulin, L’Etat et le Citoyen, (Paris, 1969)

· Carlos MILANI, Carlos ARTURI et Germais SOLINIS(sous la dir. De).- Démocratie et gouvernance mondiale. Quelles régulations pour le XXIe siècle (PARIS, Unesco 2003)

· FINLEY(M.).- Democraty ancien and modern, Londres 1973.

· GOYARD(FABRE).- « Démocratie » in Encyclopédie Philosophique Universelle II. Les Notions Philosophiques. Dictionnaire. Tomme 1 (Paris , PUF 1990), pp. 578-583).

· KELSEN(H.).- La Démocratie, sa nature, sa valeur, (Paris, 1932)

· LIPSET(S.M.).- L’homme et la politique, Paris, 1963

· MEMEL(Harris Fôté).- Le système politique de Lodjoukrou. Une société lignagère à classes d’âge(Côte d’Ivoire) (Paris, Présence Africaine 1980)

· NOVAK(Michael.- Démocratie et bien commun (Paris, Cerf 1991)

· PARETO(N.) ;- La transformation de la démocratie, Génève 1970

· PLAMENATZ(J.).- Democraty and Illusion Londres 1973

· REMOND(R.). La démocratie à refaire (Paris, 1963)

· ROMILLY (J.de).- Problèmes de la démocratie grecque (Paris, 1975)

· SCHUMPETER.- Capitalisme, socialisme et démocratie Paris, 1951)

· SOSOE(Lukas) (Sous la dir.).- Subjectivité, démocratie et raison pratique (Paris, L’Harmattan, 1998)

· STANKIEWITCZ.- Approches et Democracy Londres 1980

· VEGA(Salvatore).- Démocratie. Les problèmes éthiques des sociétés démocratiques modernes dans Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale (Paris, PUF, 1996)

Père AKE Patrice Jean

Pake.uua@ucao-cerao.org


[1] INSTITUT CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST.- Assises Théologiques. Démocratie en Afrique, Année Académique 1992-1993, pp. 13-44.

[2] INSTITUT CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST.- Assises Théologiques. Les Expériences actuelles de la Démocratie en Afrique, Année Académique 1993-1994, pp. 4-26.

[3] HERMET(Guy).- « Gouvernance sans doute, mais pas contre l’Etat démocratique » dans Démocratie et gouvernance mondiale. Quelles régulations pour le XXIè siècle ? (Ed. UNESCO-KARTHALA, Paris, 2003), pp. 35-47

[4] KAZANCIGIL(Ali).- « Apprivoiser la mondialisation : vers une régulation sociale et une gouvernance démocratique » dans Démocratie et gouvernance mondiale. Quelles régulations pour le XXIè siècle ? (Ed. UNESCO-KARTHALA, Paris, 2003), pp. 49-65.

[5] HABERMAS(Jürgen).- Droit et Démocratie, entre faits et normes (Paris, Gallimard 1997), pp. 311-354

[6] MEMEL(Harris Fôté).- Le système politique de Lodjoukrou. Une société lignagère à classes d’âge(Côte d’Ivoire) (Paris, Présence Africaine 1980, p. 116.

[7] MEMEL(Harris Fôté).- Le système politique de Lodjoukrou. Une société lignagère à classes d’âge(Côte d’Ivoire) (Paris, Présence Africaine 1980, p. 182.

[8] NOVAK(Michael).- Démocratie et bien commun (Paris, Cerf 1991), p. 162

MGR DJABLA REPOSE DANS LA CATHEDRALE SAINTE ANNE DE GAGNOA

         

          Ce Jeudi 25 Septembre 2008, en présence des Cardinaux Peter Tukson, Archevêque de Cape Coast, conduisant la délégation de l'Aecawa, Andrien Sarr, Archevêque de Dakar, président de la Cerao,  Bernard Agré, Archevêque-Emérite d'Abidjan, et de Mgr Ambroise Mandtha, Nonce Apostolique en Côte d'Ivoire, de nombreux Archevêques, Evêques, Prêtres, Religieux et Religieuses, de Côte d'Ivoire et de l'Espace Cerao et de l'espace Aecawa, reunis en une seule association, l'Aceao(Association, des conférences épiscopales de l'Afrique de l'Ouest), une messe a été célébrée dans la Cathédrale St Paul d'Abidjan à 8 H. Elle a été présidée par Mgr Joseph AKE, Président de la Conférence Episcopale de Côte d'Ivoire et Evêque de Yamoussoukro. Les autorités politiques, administratives, militaires étaient représentées. Le Président du Conseil Economique et Social, celui de la Cour Suprême, les Ministres d'Etat(Bohoun Bouabré, Dano Djédjé) et Le Général Mangou, chef d'Etat Major des Armées. On notait aussi la présence du Bishop Boni de l'Eglise Protestante Méthodiste.

          Le célébrant principal a présenté l'illustre défunt, dans son mot d'introduction: Mgr Djabla a été ordonné le 15 Mars 1964. Il a eu 19 années d'épiscopat et 72 ans d'âge. L'évêque d'Agboville, Mgr Alexis Touably Youlo, ancien vicaire général de Mgr Djabla, a prononcé l'homélie du jour. Un refrain scandait ses propos: "L'homme de Dieu est retourné à son Dieu; un saint a vécu parmi nous". Le prédicateur a relévé les nombreuses qualités humaines exceptionnelles du défunt telles que la piété, la vérité, l'attachement à la Vierge Marie et le détachement par rapport aux biens matériels. il a même  raconté avec humour que le défunt disait avoir des problèmes avec celui qui a inventé l'argent. Mgr Djabla a été président de la Commission de la Cerao, pour les migrants et les personnes déplacées. La chorale de la Maîtrise de la Cathédrale nous a plongés dans le recueillement par de très beaux cantiques. A la fin de la messe, 3 messages ont été livrés, l'un par le Cardinal Sarr, l'autre par Mgr le Nonce Apostolique et le 3è par le Président de la CECI, Mgr Joseph AKE. Tout  de suite après, la dépouille mortelle a été conduite à Gagnoa. Le Nonce a présenté ses condoléances à la Ceci et a lu les messages de la Secrétarie d'Etat, au nom du St Père, de Mgr Patrizio Bertoli et de Mgr Ivanas, Préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des peuples. Mgr Joseph Aké a remercié l'Aceao, le St Père et tous les participants à cette messe.

          Le lendemain, 26 Septembre 2008, après la longue veille de la nuit. La messe de requiem a été présidée par Mgr Maurice kouassi, évêque de Daloa. L'homélie d'ouverture du célébrant principal a fait place à celle de Mgr Gaspard Bedy Gneba, évêque de Man. Dans sa prédication, l'homme de Dieu a insisté sur les qualités de serviteur de Dieu effacé, humble, infatigable et toujours à l'écoute des fidèles, qu'était l'archevêque Barthélemy Djabla. "Seigneur Jésus-Christ, avant de ressusciter, tu as reposé trois jours en terre. Et depuis ces jours-là, la tombe des hommes est devenue pour les croyants signe d’espérance en la résurrection. Au moment d’ensevelir notre frère, nous te prions, toi qui es la résurrection et la vie : donne à notre frère et père archevêque Barthélemy, de reposer en paix dans ce tombeau jusqu’au jour où tu te réveilleras, pour qu’il voie de ses yeux, dans la clarté de ta face, la lumière sans déclin, pour les siècles des siècles. Amen ! »

          Il est 13 h 35, samedi, quand Mgr Paul Dacoury-Tabley, évêque de Grand-Bassam, la gorge nouée, prononce cette prière dans la cathédrale Sainte Anne de Gagnoa. Le rite du dernier adieu, ou l’absoute, est à son paroxysme. Cette prière de conclusion marque l’ultime séparation de Mgr Barthélemy Djabla, archevêque métropolitain de Gagnoa et administrateur apostolique de San Pedro, décédé le 15 septembre à Abidjan, avec la foule compacte qui assiste à sa messe de requiem. L’atmosphère est plus que lourde. Le Président de la République, Laurent Gbagbo, présent aux obsèques du disparu avec son épouse, Mme Simone Ehivet Gbagbo, ne peut s’empêcher de porter le mouchoir blanc qu’il tient à ses yeux. De nombreux évêques, prêtres, diacres, sœurs, enfants de cœur, écrasent des larmes. Dans la cathédrale, plusieurs parents du défunt, ses connaissances, les fidèles... laissent couler leurs larmes. Le cercueil de Mgr Barthélemy Djabla descend dans la tombe faite au sein même de la cathédrale. La scène dure quelques instants. «Vivons dans l’espérance de la manifestation glorieuse de notre Dieu et sauveur, le Christ Jésus. Et que lui-même comble notre frère et père archevêque Barthélemy de la plénitude de sa paix pour les siècles des siècles. Amen ! », reprend Mgr Paul Dacoury-Tabley, en guise de bénédiction de la tombe.

          Mais avant la prière de conclusion, l’évêque de Grand-Bassam, qui a rappelé que Mgr Barthélemy Djabla et lui sont des compagnons de très longue date, l’avait recommandé au Seigneur. Ce sont les béatitudes, tirées de l’évangile de Jésus Christ selon Saint Mathieu (5. 1-12), qui ont servi d’homélie à Mgr Gaspard Beby Gnéba, évêque de Man. Selon lui, ce texte invite les hommes à purifier leurs cœurs de leurs instincts mauvais et à rechercher en toute chose l’amour de Dieu et le service de la communauté. Puis, le célébrant a indiqué que la mort de Mgr Barthélemy lui ouvre les portes du ciel. Le président de la célébration, Mgr Maurice Kouassi, évêque de Daloa, lui, a rendu gloire à Dieu qui a donné la force à Mgr Djabla de le servir résolument.

          Le parcours d'Abidjan à Gagnoa a été marqué par deux escales. La première a eu lieu à la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Divo où Mgr Djabla a servi pendant 11 ans comme curé. La deuxième escale s'est faite à la paroisse Notre Dame de l'Immaculée Conception de Gagnoa-Garahio. Cette étape a été l'occasion pour l'archidiocèse de Gagnoa de présenter ses condoléances à la famille biologique de son pasteur et de lui rendre hommage.
La veillée qui s'en est suivie à la Cathédrale Sainte Anne s'est articulée autour de témoignages accompagnés et soutenus d'éléments vidéo et audio.
          Ainsi donc, «l'homme de Dieu est retourné à son père», après 44 ans de vie consacrée au créateur. En effet, né en 1936 à Mahibouo, dans la sous-préfecture de Gagnoa, Mgr Barthélemy Djabla a été ordonné prêtre, le 15 mars 1964. Après 4 années passées au petit séminaire de Gagnoa comme professeur d'anglais, il est affecté à la paroisse de Tabou comme vicaire en 1968. En 1971, il revient au petit séminaire de Gagnoa, cette fois-ci comme supérieur en remplacement de l'abbée Noël Kokora Tékri, devenu évêque de Gagnoa. En 1978, il est nommé curé de la paroisse de Divo où il passera 11ans, avant d'être nommé évêque du nouveau diocèse de San Pedro, le 23 octobre 1989. Il sera ordonné par le cardinal Bernard Yago, le 7 janvier 1990. De juin 2006, en juin 2008, il assure les fonctions de vice-président de la conférence épiscopale de Côte d'Ivoire. Et enfin, le 21 juillet 2006, il est nommé par le Pape Jean-Paul II, archevêque métropolitain de Gagnoa.

CANAILLOCRATIE ET HORRIPILATION

Le spectacle qu’offrent aujourd’hui nos sociétés démocratiques modernes est lamentable. Cette situation nous amène à paraitre ultracistes, scrogneugneux et grognons. La démocratie qu’elles nous laissent voir est vraiment en décrépitude. La société en s’élargissant s’est abaissée. La démocratie a gagné la mort.[1]

La dernière visite du Pape Benoît XVI en France nous a permis d’appréhender la bassesse de la société occidentale qui ne croit qu’au culte de la performance et de la réussite sociale. Les intellectuels ont célébré la Raison à la rue des Bernardins comme si cette Raison à laquelle ils adhéraient tous, pouvait exister, seule, sans la Foi. Le Saint Père les a recentrés sur leurs racines chrétiennes occidentales : le spirituel en fait grandement partie, comme un trésor inestimable. Non pas un vernis de spiritualité, de rites superficiels mais la pratique au quotidien. Ne pas avoir honte d’afficher ses valeurs chrétiennes, en montrer des signes extérieurs, pourquoi pas. La raison sans la foi est légère, la foi sans la raison est faible. C’est une chose assez généralement reconnue que l’Europe doit au Saint-Siège sa civilisation, une partie de ses meilleures lois, et presque toutes ses sciences et ses arts.[2]

La laïcité positive a aussi retenue l’attention des journalistes et des hommes politiques. Il ne faudrait pas en faire un slogan publicitaire comme c’est souvent le cas dans nos démocraties modernes. Parler de laïcité positive et ne pas mettre les pieds dans une église, ou bien divorcer au gré de ses caprices est très problématique. La laïcité derrière laquelle se cachent nos sociétés modernes, ne se résume-t-elle pas simplement à un athéisme déguisé, un athéisme qui opposerait les droits humains aux droits de Dieu. Qui sont ceux qui se cachent derrière ces principes intangibles de laïcité ? Je n’en connais pas de véritables chrétiens. Y a-t-il des garde-fous à la spiritualité ? Tout ce qui constitue un frein à la spiritualité est anti-spirituel, a-spirituel et cela est d’une grande gravité à la propagation de la foi. Nos pays actuels sont en train d’être tout simplement décatholicisés. Il nous faut réagir.

En poursuivant notre réflexion, nous voudrions dé-politiquer un peu, compte-tenu de la trop grande place que la politique occupe dans notre société contemporaine. Qu’appelle-ton démocratie aujourd’hui ? La démocratie, pense-t-on c’est le droit d’avoir des élections et le droit de vote. C’est aussi respecter les droits de l’homme. Mais en regardant de très près nos hommes politiques dans leurs véhicules aux vitres teintées, aux costumes sommes, nous apercevons une immense défilade de croque-morts amoureux, de croque-morts politiques, de croque-morts bourgeois. Le noir du véhicule qui se marie avec le noir de l’habit, la livrée uniforme, le véhicule semblable, signifient une égalité de fourmis, le triomphe du nombre, symbolisé par la vie moderne. Fourmillement de la vie, fourmillement de la ville. Le suffrage universel de nos jours est le reflet de la souveraineté populaire, dans nos démocraties. Il s’agit du droit du nombre, le droit divin du nombre et nous opposons ce droit du nombre au droit divin. Or ce suffrage universel, nous le pensons, une espèce de bouillie gélatineuse. Avec le suffrage universel, n’importe quel petit imbécile accède à la magistrature suprême. Ce suffrage universel donne que l’homme le plus médiocre arrive à nous gouverne par le hasard du scrutin. Peut-être faudrait-il opter ici pour un élitisme où ce sont les plus compétents qui soient portés au suffrage universel.

De nos jours, la démocratie est devenue un débordement de vice inouï, un jeu de mensonge, un abus de force, un enseignement de vice, une maladie sociale, et un enseignement d’injustice. Elle est une démocratie prostituée. Chacune des élections, dans tous les pays démocratiques, ouvre une vue d’ensemble sur la bêtise et la méchanceté des habitants. Peut-on imaginer un système de gouvernement plus idiot que celui qui consiste à remettre, pour un certain nombre d’années, le sort d’un pays, non pas au peuple, mais à la foule. D’une façon cyclique, chaque pays moderne actuel désigne ses représentants dans un accès de catalepsie alcoolique. Alors, devons-nous définir l’action que nous menons, devons-nous la décrire. Elle se résulte en un seul mot : la métapolitique.

Des hommes d’Etat ont commencé à écrire, ou encore, ce qui revient au même, des écrivains écrivent pour les hommes d’Etat : ce sont ceux que nous appelons des négriers. L’histoire de leurs vies ou leurs projets de vie expriment bien leur envie de domination. Ces hommes d’Etat falsifient l’histoire. Telle est leur volonté de puissance. Ils mentent tous mais en même temps, ils offrent un spectacle effrayant. Car ce qui est qualité dans l’écrivain, est parfois vice dans l’homme d’Etat, et les mêmes choses qui souvent ont fait faire de beaux livres peuvent mener à de grandes révolutions. En outre, la théorie est le démon de l’homme d’Etat. Mais « diantre », pourquoi aime-t-il écrire ? La raison est insuffisante en politique, parce que l’action humaine ne se fonde pas sur la raison seule. Les passions, à la fois individuelles et collectives, exercent leur influence sur les affaires, et les intérêts troublent la vue.

La dernière crise financière internationale, dans laquelle nous sommes plongés depuis peu (par la faillite de la société de prêts immobiliers Lehmann Brother) a montré comment l’homme contemporain vit dans l’illusion et l’artifice. Beaucoup de personnes à l’heure actuelle vivent au dessus de leurs moyens. Elles s’endettent énormément et croient posséder, alors qu’en fait, elles n’attrapent que du vent. Notre Maître nous a enseignés dans l’Evangile que celui qui a, recevra davantage. Cela nous interroge sur la qualité de notre avoir, et non sur la quantité. Si nous possédons beaucoup de choses qui ne sont que des dettes, c’est que nous n’avons attrapé que du vent. Nous sommes ruinés du jour au lendemain. Chez l’כdzukru, du Sud de la Côte d’Ivoire, l’homme riche est le gbreŋgbi (celui qui a souffert) (l’idz gbré gbi). Il a souffert longuement (gbi) pour posséder ce dont il dispose aujourd’hui. Alors sa richesse lui dure entre les mains. Sinon l’homme criblé de dettes et qui vit dans l’illusion, dilapide l’argent des autres. Il n’a pas souffert pour l’acquérir, alors il est dilapidateur et dissipateur. Ce que nous appelons richesses aujourd’hui factice, postiche et emprunté. Le sage a bien raison de dire : « Une fortune acquise à force de mensonge : illusion fugitive qui conduit à la mort. »[3] N’est-ce pas le péché des origines de nos sociétés d’aujourd’hui ?

Nos sociétés tombent dans la bondieuserie en déclarant que l’homme est naturellement bon et que c’est la société qui le corrompt : principe démocratique rousseauiste. En fait de quels hommes parlons-nous ? Il n’y a pas d’homme en soi. Il y a des Ivoiriens, des Burkinabés… L’homme en soi n’existe. Et nous lui avons placardés des droits…humains dont nous faisons le principe sacrosaint de nos démocraties : c’est un péché des origines.

Père AKE Patrice Jean

Pake.uua@ucao-cerao.org


[1] COMPAGNON(Antoine).- Les antimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes. (Paris, Gallimard 2005), p. 13

[2] COMPAGNON(Antoine).- Les antimodernes de Joseph de Maistre à Roland Barthes. (Paris, Gallimard 2005), p. 158

[3] Proverbes 21,6

jeudi 18 septembre 2008

INVITATION TO DINE WITH GOD

"You are cordially invited to dine with God." Imagine receiving such an invitation! As he often does, Jeus uses a parable to convey who God is and what God wants for us. Jesus'choice of a banquet as a symbol is not an arbitrary one, but one that best describes what the reign of God is like. Who does not enjoy the intimacy, warth and inclusion of a meal? We share not only food, but who we are with friends and family.

The history of salvation is one of invitations given and rejected. The prophets came and people did not listen. Jesus came and people still did not listen. They preached a life beyond the present, with God offering the intimacy and lavish love of a banquet. All are invited, Jews, Gentiles, the worthy and the un worthy. Some understand the message, but cannot accept with their hearts. After all, conversion is not an intellectual exercise, but a journey of the heart. Going to the banquet means examining priorities and placing life with God at the top.

As followers of the messenger, we continue to bring the message of God's unconditional love and desire for an intimate relationship. Are we willing to accept the invitation to the banquet of a lifetime? Are we willing to bring the message to others hungry for such a meal?

Father AKE Patrice, UCAO-UUA

mercredi 17 septembre 2008

Mgr DJABLA N'est plus

L’archidiocèse de Gagnoa est en deuil. Mgr Barthémy Djabla n’est plus. l’archevêque de cette province ecclésiastique qui était par ailleurs administrateur apostolique du diocèse de San-Pedro depuis la mort de Mgr Paulin Kouabenan, est décédé hier aux environs de 14h30 à la Pisam à l’âge de 72 ans. Selon le secrétaire du défunt, l’abbé Emile Kélignon, le prélat souffrait d’une attaque cérébrale, de sources médicales. Il avait été admis dans cette polyclinique depuis le 9 août dernier. Après plusieurs jours dans le coma, le malade avait commencé à donner des signes d’espoir quand, finalement, il a rendu l’âme. Mgr Djabla était évêque de San-Pedro depuis 1990, avant d’être nommé archevêque de Gagnoa il y a trois ans.

 

HARVEST TIME

Harvest time. Thanksgiving is almost upon us. Today we receive sombre messages from the Lord's vineyard. Paraphrased, the woeful messages seem clear: "Woe to those vines that sour grapes.' and 'Woe to the unfaithful tenants of my vineyard.' Fortunately, it is possible to understand this passage in a positive light.

Both the vines in the first reading and the tenants in the gospel are recipients of God's abundant love. All the conditions for growth are present in the first reading - a fertile hill cleared of stones, choice vines, a watch-tower, a wine vat. God is indeed a gracious giver. In the gospel, the landowner(God) sends all manner of messenger to his tenants. He yearns for them to understand his message, first sending slave and finally sending his most precious son.

Are we, the present vines and tenants of the Lord's vineyard, aware of his most gracious love? Do we have eyes to see and ears to hear all the gifts God sends our way or are we most often deaf and sightless? The readings today call us, "Wake up! Wake up, chosen vines and royal tenants! produce fruit worthy of the kingdom of God. Wake up and recognize the great love showered upon you."

Father AKE Patrice, UCAO-UUA's Vice-president

samedi 13 septembre 2008

Harmony and transcendence

HARMONY AND TRANSCENDENCE
INTRODUCTION
The last half century might be said to have been marked especially by the march of mankind toward freedom. From the famous “Long March” of Chinese lore in the thirties, to the “march on Washington” by Martin Luther King in the sixties, to the world-wide social reforms in the eighties, the aspiration of freedom has electrified hearts, evoked great sacrifices and definite human progress in our age. This suggests that we might helpfully reflect upon society and the relation of the person thereto by focusing upon the different notions of freedom and attempting to see the implication of each for life in society. In this context, new appreciation may prove possible of the special contribution that African’s spirit can make to our times.
The paper will proceed by first considering three basic and successive notions of freedom which have emerged in the tradition of Western philosophy: (1) choice as a minimal sense of freedom found in classical British philosophies of the liberal tradition and common in our day ;( 2) Kant’s formal sense of freedom ;( 3) Kant’s development of an integrating aesthetic view. It will then consider how the third of these can be enhanced by the African philosophical traditions, and hence the essential contribution which African’s spirit can make to the effort of Africa to integrate science and democracy in this century.
LEVELS OF FREEDOM
LEVEL I: EMPIRICAL FREEDOM: TO CHOOSE WHAT ONE WANTS
At the beginning of the modern stirrings for democracy John Locke perceived a crucial need. If decisions were to be made not by the king, but by the people, the basis for these decisions had to be equally available to all. To achieve this Locke proposed that we suppose the mind to be a white paper void of characters and ideas, and then follow the way in which it comes to be furnished. To keep this public he insisted that it be done exclusively via sense experience, that is, either by sensation or by reflection upon the mind’s work on the materials derived from the senses[1]. From this, David Hume concluded that all objects of knowledge which are not formal tautologies must be matters of fact. Such “matters of fact” are neither the existence or actually of a thing nor its essence, but simply the determination of one from a pair of sensible contraries, e.g. white rather than black, sweet rather than sour[2].
The restrictions implicit in this appear starkly in Rudolf Carnap’s “Vienna Manifesto” which shrinks the scope of meaningful knowledge and significant discourse to describing “some state of affairs” in terms of empirical “sets of facts”. This excludes speech about wholes, God, the unconscious or entelechies; the grounds of meaning as well as all that transcends the immediate content of sense experience are excluded.
In such terms it is not possible to speak of appropriate or inappropriate goals or even to evaluate choices in relation to self-fulfillment. The only concern is which objects among the sets of contraries I will choose by brute, changeable and even arbitrary will power, and whether circumstances will allow me to carry out that choice. Such choices, of course, may not only differ from, but even contradict the immediate and long range objectives of other persons. This will require compromises and social contracts in the sense of Hobbes; John Rawles will even work out a formal set of such compromises[3]. Throughout it all, however, the basic concern remains the ability to do as one pleases.
This includes two factors. The first is execution by which my will is translated into action. Thus, John Locke sees freedom as “being able to act or not act, according as we shall choose or will[4]”; Bertrand Russell sees it as “the absence of external obstacles to the realization of our desires.[5]” The second factor is individual self-realization of our desires understood simply as the accomplishment of one’s good as one sees it. This reflects one’s personal idiosyncrasies and temperament, which in turn reflect each person’s individual character.
In these terms, Mortimer Adler points out in his study of freedom at the institute for Philosophical Research one’s goal can be only what appeals to one, with no necessary relation to real goods or to duties which one ought to perform[6]. “Liberty consists in doing what one desires[7],” and the freedom of a society is measured by the latitude it provides for the cultivation of individual patterns of life[8]. If there is any ethical theory in this it can be only utilitarian, hopefully with enough breadth to recognize other people and their good as well as one’s own. In practice, over time this comes to constitute a black-hole of self-centered consumption of physical goods in which both nature and person are consumed, this is the essence of consumerism.
This first level of freedom is reflected in the contemporary sense of “choice” in North America. As a theory, this is underwritten by a pervasive series of legal precedents following Justice Holmes’notion of privacy, which now has come to be recognized as a constitutional right. In the American legal system the meaning of freedom has been reduced to this. It should be noted that this derived from Locke’s political decision (itself an exercise of freedom) to focus upon empirical knowledge or concern. Its progressively rigorous implementation, constitute an ideology in the sense of a selected and restrictive vision which controls minds and reduces freedom to willfulness. In this perspective liberalism is grossly misnamed, and itself calls for a process of liberation and enrichment.
LEVEL II. FORMAL FREEDOM: TO CHOOSE AS ONE OUGHT
Kant provides the basis for another, much richer, notion of freedom which Mortimer Adler has called “acquired freedom of self-perfection.” It acknowledges the ability of the human being to transcend the empirical order and to envisage moral laws and ideals. This direction has been taken by such philosophers as Plotinus, Spinoza and Bradley who understood all in terms of ideal patterns of reason and of nature. For Kant freedom consists not in acting merely as one pleases, but in willing as one ought, whether or not this can be enacted.[9] Morals standards are absolute and objective, not relative to individual or group preferences.[10] How they can remain nevertheless autonomous emerges in the evolution of Kant’s three critiques.
In his first Critique of Pure Reason, Kant developed a theory of knowledge for the universal and necessary laws of the physical sciences. Reductionist philosophies such as positivism are happy to leave the matter there, for the necessity of the sciences gives control over one’s life, while their universality extends this control to others. If Kant’s categories could lend rational order to the random empirical world of facts, then positivism could achieve Descartes’s goal of walking with confidence in the world.
For Kant, however, this simply will not do. Clarity which comes at the price of necessity may be acceptable and even desirable for works of nature, but it is an appalling way to envisage human life. Hence, in his Foundations of the Metaphysics of Morals, Kant proceeds to identify that which is distinctive of the moral order. His analysis pushes forcefully beyond utilitarian goals, inner instincts and rational (scientific) relationships – precisely beyond the necessitated order which can be constructed in terms of his first Critique. None of these recognizes that which is distinctive of the human person, namely, freedom. For Kant, in order for an act to be moral it must be based upon the will of the person as autonomous, not heteronymous or subject to others or to necessary external laws.
This becomes the basic touchstone of his philosophy; every thing he writes thence forward will be adapted thereto, and what had been written before will be recontextualized in this new light. The remainder of his Foundations and his second Critique of Practical Reason will be composed in terms of freedom. Later his third Critique of the Faculty of Judgment will be written in order to provide a context that enables the previous two critiques to be read in a way that protects human freedom.
In the Foundations he recasts the whole notion of law or moral rule in terms of freedom. If all must be ruled or under law, and yet in order to be free the moral act must be autonomous, then my maxim must be something which as a moral agent I – and no other – give to myself.
This, in turn, has surprising implications, for if the moral order must be universal, then my maxim which I dictate to myself must be fit to be also a universal law for all persons.[11] On this basis freedom emerges in a clearer light. Is not the self-centered whimsy of the circumstantial freedom of self-realization described above; but neither is it a despotic exercise of the power of the will; finally, it is not the clever self-serving eye of Plato’s rogue.[12]Rather, as the highest reality in all creation, freedom is power that is wise and caring, opens to all and bent upon the realization of “the glorious ideal of a universal realm of ends-in-themselves.” It is, in sum, free men living together in righteous harmony.[13]
LEVEL III. EXISTENTIAL FREEDOM: AESTHETIC HARMONY
Despite its central importance, I will not remain longer on practical reason because it is rather in the third Critique of the Faculty of Judgment that Kant provides the needed context for such harmony.[14] In so doing he approaches the aesthetic sensibility of African’s spirit in articulating the cosmic significance of freedom. Kant is intent not merely upon uncovering the fact of freedom, but upon protecting and promoting it. Ha faces squarely the modern person’s most urgent questions.
How can this newly uncovered freedom survive when confronted with the necessity and universality of the realm of science – and its implications for technology – as understood in the Critique of Pure Reason? Will the scientific interpretation of external nature force free-dom back into the inner realm of each person’s heart where it would be reduced at beast to good intentions or good feelings towards others?
When we attempt to act in this world or to reach out to others must all our categories be universal and hence insensitive to that which marks others as unique and personal; must they be necessary, and hence no room for creative freedom? If so then public life can be only impersonal, necessitated, repetitive and stagnant.
Must the human spirit be reduced to the sterile content of empirical facts or to the necessitated modes of scientific laws? If so then philosophers cannot escape what for wisdom is a suicidal choice between either being traffic directors in the jungle of unfettered competition or sharing tragic complicity in setting a predetermined order for the human spirit.
Freedom would indeed have been killed and would pulse no more as the heart of humankind.
Before this threat Kant’s answer was a resounding: No! Taking as his basis the reality of freedom – so passionately and often tragically affirmed in our lifetime by Gandhi and Martin Luther King – Kant proceeded to develop his third Critique of the Faculty of Judgment as a context within which freedom and scientific necessity could coexist, indeed in which necessity would be the support and instrument of freedom.
For this Kant found it necessary to distinguish two issues as reflected in the two parts of his third Critique. In the “Critique of theological Judgment[15]”he acknowledges that nature and all reality must be teleological, for if there is to be room for human freedom in a cosmos in which one can make use of necessary laws, if science is to contribute to the exercise of human freedom, then nature too must be directed toward a goal and manifest throughout a teleology with which free human purpose can be integrated.
In these terms nature, even in its necessary and universal laws, is no longer alien to freedom, but expresses divine freedom and is concealable with human freedom. The structure of his first Critique will not allow Kant to affirm this teleological character as a metaphysical reality, but he recognizes that we must proceed “as if” all reality is teleological precisely because of the undeniable reality of human freedom in an ordered universe.
If, however, teleology in principle provides the needed space, there remains a second issue of how freedom is exercised, namely, what mediates it to the necessary and universal laws of science? This is the task of “Critique of Aesthetic Judgment[16]”where the imagination plays the key integrating role in enabling a free person to relate to a necessary order of nature and to given structures in society in ways that are neither necessitated nor necessitating.
There is something similar here to the Critique of Pure Reason. In both, the work of the imagination in assembling phenomena is not simply to register, but to produce the objective order. As in the first critique the approach is not from a set of a priori principles which are clear all by themselves and are in order to bind the multiple phenomena into a unity. On the contrary, under the rule of unity the imagination orders and reorders the multiple phenomena until they are ready to be informed by a unifying principle whose appropriateness merges from the reordering carried out by the productive imagination.
In the first Critique, however, the productive work was done in relation to the abstract and universal categories of the intellect and carried out under a law which dictated that phenomena must form a unity. Hence, although it was a human product, the objective order was universal and necessary and the related sciences were valid both for all things and for all people[17].
In the “Critique of the Aesthetic Judgment”, in contrast, the imagination in working toward an integrating unity is not confined by the necessitating structures of categories and concepts, but ranges freely over the full sweep of reality in all its dimensions to see whether relatedness and purposiveness can emerge. Hence, in standing before a work of nature or of art it might focus upon light or form, sound or word, economic or interpersonal relations – or, indeed, upon any combination of these in a natural environment or a society, whether encountered concretely or expressed in symbols.
Throughout all of this the ordering and reordering by the imagination can bring about numberless unities. Unrestricted by any a priori categories, it can integrate necessary dialectical patterns within its own free and therefore creative production, and scientific universals within its unique concrete harmonies.
This properly creative work of the human person in this world extends the realm of human freedom to the whole of reality. For this harmony is appreciated not merely intellectually in terms of its relation to a concept or schema (the first Critique), nor morally in relation to the force of a just will (the second Critique), but aesthetically by the pleasure or displeasure of the free response it generates. What manifests whether a proper and authentic ordering has or has not been achieved is not a concept[18], but the pleasure or displeasure, the elation at the beautiful and sublime or the disgust at the ugly and revolting, which flows from our contemplation or reflection.
One could miss the integrating character of this pleasure or displeasure and its related judgment of taste[19]. This would be so if one looked at it ideologically as simply a repetition of past tastes in order to promote stability, or reductively as merely an interior and purely private matter at a level of consciousness available only to an elite class or related only to an esoteric band of reality. That would ignore the structure which Kant laid out at length in his first “Introduction” to his third Critique[20]. He noted there that he conceived this third critique not as merely juxtaposed to the first two critiques of pure and practical reason, but as integrating both in a richer whole.
This opens a rich prospect for freedom in society. It need no longer be simply the capacity of the individual to gather goods about oneself, nor at the second level of freedom to set universal laws. Beyond this it is the capacity creatively to integrate both of these in a process of shaping one’s personal and social life in a unique and beautiful manner. In society this, indeed, becomes the reality of culture. Let us look more closely at this with special attention to the contribution African’s people can make to this challenge of the exercise of social life through technology.
A suivre….
Father AKE PATRICE JEAN
pakejean@yahoo.fr

AFRICAN CULTURE AND FREEDOM IN A TECHNOLOGICAL SOCIETY


[1] John LOCKE.- An Essay Concerning Human Understanding (New York: Dover, 1959), Book, Chap. I, Vol. I, 121-124
[2] David HUME.- An Enquiry Concerning Human Understanding (Chicago: Regnery, 1960)
[3] The Theory of Justice (Cambridge : Havard Univ. Press, 1971)
[4] An Essay Concerning Human Understanding A.C. Fraser, ed. (New York: Dover, 1959), II, ch. 21, sec. 27; vol. 1, p. 329
[5] Skeptical Essays (London : Allen 1 Unwin, 1952), p. 169
[6] Mortimer J. ADLER.- The Idea of Freedom: A Dialectical Examination of the Conceptions of Freedom (Garden City, New York, Doubleday, 1958), p. 187.
[7] J. S. MILL.- On Liberty, ch. 5, p. 15
[8] ADLER, p. 193
[9] Ibid., p. 253.
[10] Ibid., p. 257.
[11] Immanuel KANT.- Foundations of the Metaphysics of Morals, trans. R.W. Beck (New York: Bobbs-Merrill, 1959), Part II, pp. 38-58 [ 421-441]
[12] PLATO.- Republic 519
[13] Foundations, III, p. 82 [463]
[14] Cf. Hans Georg GADAMER.- Truth and Method (New York: Crossroads, 1982), Part I, pp. 1-2, pp. 39-73; and W. Crawford, espec. Ch. 4.
[15] Immanuel KANT.- Critique of Judgment, trans. J.H. Bernard (New York: Hafner, 1968), pp. 205-339
[16] Ibid., pp. 37-200
[17] Immanuel KANT.- Critique of Pure Reason, trans. N.K. Smith (London: Macmillan, 1929), A 112, 121, 192-193. Donald W. Crawford.- Kant’s Aesthetic Theory (Madison: University of Wisconsin, 1974), pp. 83-83, 87-90.
[18] See Kant’s development and solution to the autonomy of taste, Critique of Judgment, nn. 57-58, pp. 182-192, where Kant treats the need for a concept; Crawford, pp. 63-66.
[19] See the paper of Wilhem S. Wurzer “On the Art of Moral Imagination” in G. McLean, ed., Moral Imagination and Character Development (Washington: The Council for Research in Values and Philosophy, 1991), for an elaboration of the essential notions of the beautiful, the sublime and the taste in Kant’s aesthetic theory.
[20] Immanuel Kant.- First Introduction to the Critique of Judgment, trans. J. Haden (New York: Bobbs-Merrill, 1965)

mardi 9 septembre 2008

L'ESPRIT Africain comme élan de la pensée vers la theoria/Le development of the African mind(spirit) on its way from ignorance to knowledge

SUMMARY

          In this first part, I'll try to explain how African mind(spirit) is knowledge(meditation). African people think that the whole nature is full of God. So the African haven't the same reaction like Europeans in front of Nature. African respect the laws of Nature. They transform Nature but not until its impoverishment. God supplies everybody's needs so they have no anguish, no distress. Someone speaks about the African's living in a carefree life. The main reason is that they are always in communion with God. Differents philosophers call this moment of life meditation, theory or knowledge.

INTRODUCTION

          Dans cette première partie, nous voulons montrer l'élan de la pensée africaine vers la theoria, c'est-à-dire la contemplation ou encore la recherche de la vérité de l'existence dans la Relation à l'Absolu. L'itinéraire de l'Inde et de Platon, de Plotin, de St Augustin, de Descartes et de Fichte est cette même montée vers la contemplation. Restrouvons-nous cela dans l'esprit africain?

L'IDEE DE CONTEMPLATION DE LA NATURE

          L'esprit est une réalité complexe, du point de vue ontologique. Si nous nous situons, du point de vue africain, une certaine continuité de la nature spirituelle unit l'âme humaine à Dieu. Car l'âme humaine préexiste en Dieu de toute éternité par son idée dans la pensée divine; cette Idée ou Image divine, d'après laquelle elle existe réellement, est déposée en son centre ou sommet. Pour trouver Dieu, il faut donc que l'âme rentre en elle-même par un mouvement d'introversion, de manière à rejoindre l'Image divine présente au plus profond d'elle-même. L'esprit est ainsi envisagé par l'Africain en relation avec son être idéal. En clair, l'esprit, en Afrique est la réalité la plus intime de l'âme. Pour parvenir à l'âme, le dedans de l'esprit est le chemin le plus court. L'esprit, disent les sages africains, est l'âme de votre âme.

         Avant d'aller plus loin dans notre propos, le terme contemplation me paraît important à définir. Dérivé de théoros, le terme désigne l'envoi d'ambassadeurs à une fête religieuse. Chez Démocrite, le terme désigne la vision d'un objet physique, par exemple les images. C'est avec Platon que theoria signifie la contemplation des idées(1), celle de l'être et du monde intelligible(2), ou encore celle du Beau(3)  . La contemplation est considérée par Platon comme l'activité propre du philosophe(4). Aristote considère la contemplation comme étant l'activité la plus noble de l'homme parce que divine(5). En effet, la theoria est l'activité fondamentale du premier moteur(6). Plotin a considérablement élargi le sens du terme. Pour lui, toutes les réalités vraies viennent de la contemplation(7) et c'est par celle-ci que se réalise l'unité de l'intelligence et de l'intelligible.(8)      

          L'Africain est quelqu'un qui est très observateur, d'abord de la vie courante. Il s'immerge dans son milieu, pratique les coutumes religieuses et morales, aux travaux champêtres et aux divertissements. Il est quelqu'un qui est très concret dans sa pensée. Si l'homme africain est composé d'une substance tangible et visible, le corps matériel, et d'un élément invisible, substance éthérée, forme adéquate du corps auquel il est uni et qu'il anime pendant la vie, et dont il se détache à la mort pour continuer dans l'au-delà, la notion d'esprit est très important pour lui. Il est spiritualiste.(Je préfère ce mot à animiste) car il reconnaît dans l'homme, un esprit distinct de la matière, un principe suprasensible, libre, responsable, et immortel. Ainsi, l'homme est au centre de la pensée de l'homme. il est au centre de la vision et de l'expérience. Mais cet homme-là n'est pas isolé et isolable de la nature. Pourquoi? parce qu'il contemple la nature.

          D'abord, en Afrique, la fin dernière de l'homme c'est Dieu. Les biens essentiels de l'homme(la nourriture, la femme, la vie) viennent de Dieu et retournent à Dieu. C'est pour cela que l'Africian ne semble pas du tout pressé. Une boutade d'un européen dit ceci: "En Afrique, quand le Bon Dieu fit le temps, il en fit beaucoup." Là où il y a la nourriture, la fécondité, et la longévité, Dieu est présent. C'est pour cela que le négro-africain a un sens très profond de la vie communautaire: rien ne s'arrête à sa personne. Dans ce cas, ce n'est pas l'homme qui est l'Absolu, c'est l'Un ou Diue lui-même, même si l'homme apparaît comme la valeur fondamentale, la valeur première, celle autour de laquelle gravitent tous les problèmes. Nous retouvons d'une part, un sentiment d'alliance de l'homme avec la terre, une sorte de communion avec la nature et un sentiment d'équilibre et d'harmonie, maintenu avec vigilance grâce à un ensemble de techniques et de rites compensateurs. L'homme africain est donc en accord avec l'ordre universel et l'ordre social.

          Quand, d'autre part, nous parlons de nature, nous devons plutôt dire nature-esprit, chez l'Africain. La nature, en tant qu'organique ou vivante en général, est déjà un sujet, c'est-à-dire un individu, un être indivis, identique à soi, qui a en lui-même une différence que, "devant nécessairement poser - elle est en lui donc le définit -, il doit pour autant nier, puisqu'elle est lui-même comme négatif de son identité fondamental."(9)

          On a souvent reproché à l'Afrique de ne pas transformer cette nature. Cest tout simplement parce que l'Africain est un contemplateur. Dans sa conception, la nature est sacrée. Elle le ramène à Dieu et rien ne peut être entrepris sans sa bénédiction. Dans la nature, il voit le Divin, il le contemple. Et Dieu lui permet de se comprendre et de le comprendre. L'esprit africain est donc éminemment en relation avec la nature. Quand la nature est souillée, l'homme est souillé. Il est un être-avec-la nature.

          L'esprit est comme de l'eau, me répète le sage Memel Harris Fôté. L'eau est la force qui unit tout. Elle engendre plantes et animaux. Elle devient verte dans le palmier, blanche dans le cocotier; elle s'adapte à la nature de ceux qui la reçoivent. En ce sens, com-prendre, c'est la même chose que l'esprit. L'esprit et communion, communion entre nous. Il est surtout jouissance, principe d'harmonie et de bien-être.

          Dans l'esprit africian, la nature est rapportée à Dieu. C'est la communion, la relation entre les hommes qui compte. La personne humaine est un-être-avec-les-autres. Comme le sait un proverbe adioukrou: "Ce qui fait la force du crocodile, c'est l'eau qui le porte". L'homme adioukrou qui a réussi soialement doit faire le rite de l'Agbandji, c'est-à-dire offrir un repas rituel à tout le village, en un mot partager ses richesses, sinon il n'est pas considéré comme un noble au vrai sens du mot. L'individu n'est plus enfermé sur lui-même, il est co-présence, essentiellement ouvert à autrui et au monde: les êtres africains, dans leur singularité sont liés par de mystérieux rapports. Ce sont ces rapports que nous expliciterons dans notre seconde partie.

Père AKE Patrice Jean

la-valorisation-de-lhomme-noir

A suivre...

____________________________________________________________

  1. Phèdre 65 e 2
  2. République VI 511 c 6
  3. Banquet 211 d 2-3
  4. Thééthète  173 c - 176 a
  5. Ethique à Nicomaque X, 7-9
  6. Métaphysique Λ 7, 1072 b 13 - 30
  7. Ennéades III, 7, 1-3
  8. Ennéades III, 7-8
  9. BOURGEOIS(Bernard).- Hegel. Les Actes de l'Esprit. (Paris, Vrin 2001), p. 15

L'esprit africain veut se réaliser

L'ESPRIT AFRICAIN VEUT SE REALISER, C'EST-A-DIRE S'EXPRIMER DANS LE MONDE, POUR S'ACCOMPLIR LUI-MEME ET TRANSFORMER CE MONDE

SUMMARY

          in the second part, I'll try to explain the African spirit in action. The spirit comme into an action specially in the family. Africian are always in relation(family, age groupes...) Prosperity is in God, sa Africain share all things they possesse. They aren't selfish persons.

INTRODUCTION

          L'esprit africain, dans cette seconde partie veut se réaliser, c'est-à-dire s'exprimer dans le monde, pour s'accomplir lui-même et transformer ce monde. C'est la seconde dimension de l'esprit africain, la dimension de la décision. Nous pouvons l'ilustrer dans Platon(République, Lois) mais aussi dans l'Ethique à Nicomaque d'Aristote où la sphère de la nature et du corps est moralisée. Finalement on retrouve cet esprit de décision aussi dans la philosophie occidentale moderne.

LE SENS VITAL DE L'ESPRIT AFRICAIN

          Du point de vue vital, l'esprit africain est principe d'action, source fondamentale de l'activité humaine, et par conséquent, il lui donne une orientation générale, sa couleur d'ensemble. Ici l'esprit africain s'oppose à la chair, considérée elle-même comme un principe mauvais d'action, mais aussi s'oppose à un monde de rapports sociaux injustes. L'esprit africain d'aujourd'hui ce sont tous ces jeunes privés d'avenir dans leur pays et qui se tournent vers l'Europe au risque de leurs vies et que l'on repêche chaque jour, transis de froid aux abords des côtes de la Méditerranée, décimés par le froid et la maladie. ce sont les ouvriers d'usine, qui, pour avoir revendiqué des salaires plus justes, ont été renvoyés, persécutés, portés disparus. L'esprit africain ce sont tous ces enfants qui mangent des aliments avariés provenant des ordures, des familles qui dorment sous des baraques de bois et de cartons et de boîtes de conserve. Il s'oppose donc à tous ces forces de morts, tous ces marginaux de nos villes et de nos campagnes. L'esprit africain s'oppose à toutes les institutions qui oppriment les humbles, il décrit tous les systèmes économiques et idéologiques qui engendrent le mal, parce que ce sont des structures d'exploitation. Ainsi l'Africain distingue entre bon esprit et mauvais esprit.

          Pour lui, vivre en esprit et selon la volonté de Dieu c'est la même chose. L'esprit est essentiellement principe de vie. Il y a chez l'Africain deux principes d'action: l'une est néfaste, le mauvais esprit; l'autre est le bon esprit. L'esprit est la main de Dieu, le lieu où l'instrument de l'action. Il est en outre le centre de gravité de l'homme et se trouve en dehors de lui. Mais quels sont les principes qui régissent son action?

          L'esprit africain a surtout le principe de communion dans lequel il se réalise véritablement. Les lieux de réalisations sont la famille, les relations humaines. Une personne en Afrique se trouve réellement vivante et épanouie que dans la relation; sans la relation, la personne tend vers l'anéantissement. Ainsi l'homme sans parents est la proie des vautours et l'isolement tue la personne. C'est croyons-nous l'intuition fondamentale sur laquelle est basé l'esprit africain. Seuls, les êtres humains sont risqués, peu solides; ensemble, par échange, en relation, ils se fortifient les uns les autres. Partout en Afrique, on sait filer, tisser, tresser, faire la vannerie; un seul doigt ne peut attraper le pou, nous disent les sages adioukrous. Ou encore, la main droite lave la main gauche et la main gauche lave la main droite. En outre, le fait d'être maudit par sa famille équivaut à une condamnation à mort. A la mort physique d'abord, car l'individu isolé peut difficilement survivre; en tous cas psychiquement, il est étrangement diminué(oute personne de la communication pour être, et pas de n'importe quelle communication; et à la mort métaphysique, au néant, car il n'aura personne pour s'occuper de lui et maintenir la communion.

          L'esprit africain est fait  de relations entre les générations qui se succèdent et entre alliés, la fraternité de sang, la relation de paternité-filiation, la relation aîné-cadet, sont universellement respectées et fournissent des points de référence, à de nombreuses autres relations non familiales. Il y a aussi les alliances par l'échange de sang; les relations de classes d'âge, des personnes ayant participé à la même société sécrète; relations très importantes à telle enseigne, que chez les Africains, un individu chassé de sa classe d'âge est aussi chassé de sa famille.

          L'esprit africain est un esprit de solidarité. La vie économique est faite de solidarité. L'individu doit partagé, même s'il est nanti, histoire de dire que la richesse est Dieu. L'esprit africain se réalise aussi dans la vie politique qui est faite de relations. Relations de mariage(donation et réception d'épouses), relations de parenté, relations de clientèle, relations de castes, relations de sociétés diverses.

          L'esprit africain est "ôdem kru" c'est-à-dire qu'il n'accepte pas l'injustice; il a la passion de la justice et ne se laisse pas plier facilement. L'Africain est l'"adjêm-kru" ou mieux" l'"adem-êgŋ-kru" est celui qui ne se plaint pas, qui ne cherche pas des faveurs ou qui ne flatte pas les autres dans un but intéressé, qui croit se suffire. Cela expliquerait pourquoi le plus malheureux africain, maladif, aveugle, pauvre, hait la mendicité et se contente du ravitaillement de ses proches parents.

          Qui mieux que personne ne veut vivre dans la maladie, la souffre et la mort. C'est pour cela que l'esprit africain est libération de tous ces maux. L'injustice, la guerre, tous les fléaux de la nature ne sont pas accueillis comme des fatalités. Avant de réagir l'Africain veut comprendre le lien de ces actions avec Dieu. C'est dire que l'sprit africain se laisse régir en tout par l'esprit absolu, le logos universel, la norme régulatrice ultime, ou l'un; c'est l'objet de la troisième partie.

Père AKE PATRICE JEAN

la-valorisation-de-lhomme-noir

jeudi 4 septembre 2008

LA REALISATION D'UN PASSEPORT BIOMETRIQUE EN AFRIQUE/TO GET BIOMETRICS PASSPORT IN AFRICA

          SUMMARY

          To have identity papers or a biometrics passport in Africa is a Herculean task. In this article, I try to describe all the impassable mazes I find myself before this paper opens doors for me.

          RESUME

          Se faire établir une pièce d'identité ou un passeport biométrique en Afrique relève des travaux d'Hercule. Dans cet article, j'essaie de décrire les diverses tribulations dans lesquelles je me suis retrouvé pour l'établissement de cette pièce.

          INTRODUCTION

          Nous nous rappelons ce héros de la mythologie grecque nommé Héraclès ou Hercule qui accomplit douze travaux légendaires sur l'ordre d'Eurysthée. Ces travaux légendaires (le lion de Némée, l'hydre de Lerne, le sanglier d'Erymanthe, la biche de Cérynie, les oiseaux du lac Stymphale, les écuries d'Augias, le taureau de Crète, les juments de Diomène, la ceinture de la reine des Amazones, les boeufs de Géryon, le chien Cerbère et les pommes d'or du jardin des Hespérides) furent accomplis par lui avec une force surhumaine. Zeus fit partager à ce héros fabuleux la bienheureuse immortalité des dieux de l'Olympe.

          Dire de quelqu'un qu'il accomplit des travaux d'Hercule, c'est affirmer qu'il vient de faire une oeuvre titanesque comme celle que j'ai dû effectuer pour obtenir mon passeport, dans la locaux de la Sureté à Abidjan, à la fin du mois d'Août 2008; Ce que je vais dire de la Côte d'Ivoire peut se retrouver dans n'importe quelle capitale d'Afrique.

          MES TRAVAUX D'HERCULE

          Il y a trois semaines que la Côte d'Ivoire, ce petit pays d'Afrique de l'Ouest, a pris de l'avance sur les autres pays de la sous-région, en instaurant le passeport biométrique. La publicité qui accompagnait l'événement, avait été bien ficelée par deux des plus grands humoristes du moment. Pour ceux-ci, le passeport biométrique se résumait à des photographies. Après que le Ministre de l'Intérieur eut lancé l'opération, je me suis décidé à me mettre à jour moi aussi. J'ignorais que je m'embarquais dans un entangled web, digne des 12 travaux d'Hercule.

          Mon lion de Némée, qui a consisté au paiement des 40.000 FCFA, du coût du passeport, ne s'est pas fait sans problème, dans une ECO-BANK de la place. Le transfert des fonds à la sûreté, par Internet, m'a maintenu en haleine pendant plus de 2 heures de temps. J'ai dû abdiquer pour revenir trois jours après. Le reçu d'enrôlement était mon lion de Némée. Les autres travaux (l'hydre de Lerne, le sanglier d'Erymanthe,  la biche de Cérynie et les oiseaux du lac Stymphale) ont consisté à établir mon attestation d'identité, mon extrait d'acte de naissance et la photocopie des pièces d'identité de mes parents, mon certificat de nationalité. Muni de tous ces papiers, je n'ai pas pu entrer dans  les écuries d'Augias (la Sûreté). Pourquoi?

          Réveillé depuis 6 heures du matin, je suis arrivé au Plateau à 7 heures, pour constater que depuis 5 heures du matin, les 50 premiers candidats avaient déjà été retenus pour la journée. Après trois tentatives infructueuses, j'ai dû me résigner, à mon for défendant à faire intervenir une connaissance. j'ai donc évité le taureau de Crète qui a consisté à d'autres tribulations: parce que, partis de 5h du matin, pour les travaux des écuries d'Augias, j'ai retrouvé les autres candidats déjà à la peine vers midi. Je signale, en passant que les interventions comme la mienne il y a en eu, au cours de la journée, puisque j'étais le numéro 101. Après réception de mon dossier, je devais faire face aux juments de Diomène (le personnel du www.zetes.com) : elles n'étaient pas prêtes à se montrer. Que faisaient-elles derrière leurs comptoirs. Après un temps relativement long sous la pluie, dehors, me protégeant comme je pouvais avec une chemise cartonné, grâce à une autre intervention, j'ai eu droit à entrer dans la salle d'enrôlement. Les juments ne nous avaient pas toujours appelés. Je me suis donc pendant ce long temps d'attente laissé aller à la réflexion.

          D'où sortaient toutes ces personnes qui voulaient toutes un passeport biométrique? En ces temps de crise? de vie chère? Pourquoi y a-t-il beaucoup plus de jeunes filles? de noms à consonance nordique?  J'ai aussi été témoin de quelques scènes cocasses dignes du Moyen-âge:

          Une jeune fille se plaignait d'avoir rectifié une erreur sur son nom, lors de la remise du reçu d'enrôlement. Malgré la rectification, la faute a été remise sur le passeport: un "i" avait été ajouté à son nom. Après avoir en vain tempêté, pour parler à une jument de Diomène, un agent de la Surété lui a clairement dit que si elle voulait une rectification, il lui fallait débourser encore 40.000FCFA. une autre Dame a eu la même mésaventure, en ce qui concerne son fils de 8 ans, à qui le sergent enregistreur avait marqué 6 ans. Elle aussi plaidait pour refaire un nouveau passeport. Mais même souffrance, les frais étaient non remboursables. Une autre maman nous racontait avoir été balancée entre deux centres d'enrôlements. Il y avait erreur sur le lieu de naissance de sa fille. D'autres questions surgissent alors de mon esprit:

          Y a-t-il eu une bonne préparation pour les agents de cette opération? Sont-ils en nombre suffisant pour effectuer ce travail colossal? Travaillent-ils trop? Ou trop peu? Les gène-t-on par nos nombreuses interventions?

          A 14h, j'attendais encore quand les juments sont sorties des écuries pour aller manger. Il s'agissait de 4 juments et bizarrement elles étaient toutes des jeunes filles. La ceinture de la reine des Amazones a consisté à une prise de photos. Ici aussi, il n'y a qu'une seule cabine photographique et le système parle anglais et personne n'est là pour t'indiquer quoi que ce soit: si le tabouret est trop élevé, le rideau mal tiré, si tu es mal assis... La prise des empreintes digitales, ce sont les boeufs de Géryon. On ne devait pas mettre du temps ici, mais il faut être très patient. car celui qui vous précède peut avoir maille à partir avec ses empreintes: ou bien il transpire trop ou bien l'appareil n'arrive pas à les lire, tout simplement. Alors on passe son temps à frotter ses doigts et le temps s'ajoute au temps.

          Finalement c'est vers 15 h, que le chien Cerbère, (je devrais dire la chienne Cerbère, c'était une fille) m'a invité à vérifier ma fiche et après cela j'ai quitté les écuries d'Augias au plus vite. Il me reste en ce moment une seule tâche: les pommes d'or du jardin des Hespéries (le retrait du passeport). Au rendez-vous fixé, le document n'était pas encore signé: l'agent nous a dit de revenir dans une semaine. Je pense qu'il aurait dû dire dans un mois.

           CONCLUSION

          J'ai dû me demander ce que c'était un passeport biométrique. S'il était vraiment infalsifiable? En ausculant le mot "biométrié" je pense à un débat philosophique entre deux sciences la biologie et les mathématiques. Le mathématicien qui aborde la biologie est a priori comparable au néophyte. Or le biologiste attend que le mathématicien lui apporte une clé enchantée qui lui ouvrirait les portes du château merveilleux abritant les secrets de la vie. Certains biologistes récusent même l'emploi des mathématiques en biologie. En fais-je partie? Peut-être? Car je pense que les phénomènes de la vie sont trop subtils, trop complexes. Leur mystère relève d'une logique d'une donnée étrangère au monde physique. Le mystère qui entoure le passeport biométrique ivoirien est d'un tout autre ordre: s'agit-il de renflouer les caisses de l'Etat en cette période de vaches maigres? Cette attitude pragmatique est en tout cas une belle réussite de ce point de vue. quant à l'inviolabilité de ce document, son infalsifiabilté, je n'y crois pas: l'Africain a toujours été un génie dans l'imitation. Il singe tout. Même dans sa nature, il est double et il passe son temps à doubler les autres.

Père AKE PATRICE JEAN

la-valorisation-de-lhomme-noir