mercredi 19 août 2009

L’HOMME SELON NIETZSCHE

L’HOMME

Les données du monde, le thème des recherches de la science ne sont que les caractères à partir desquels on peut déchiffrer l’Idée de l’homme[1]. Or, le monde du changement, des lois et des relations est le thème des recherches de la science. Son outillage, ce sont les concepts, sa méthode les causes[2].

Pour Faye Emmanuel[3], la philosophie éprouve beaucoup de difficultés à définir l’homme. La philosophie antique a canonisé la formule de Protagoras selon laquelle l’homme est la mesure de toutes choses. Puis elle s’est cantonnée à la morale, à une pensée éthique de l’homme. Chez Platon par exemple, l’essence de l’homme se comprend par ce qui lui permet de se diriger soi-même, de tempérer son âme et de discerner la vraie justice. L’antiquité expose le mythe de l’homme originellement démuni, mais cette indétermination première de la nature humaine, rend mieux manifeste le fait que celui-ci soit pourvu, dès l’origine, de son intelligence. En définitive, la pensée est ce qui est essentielle à l’homme. Il est également le seul animal qui utilise le langage.

Dans la scolastique médiévale, l’homme est vu comme un animal raisonnable. Il est défini comme la seule créature faite à l’image et à la ressemblance de Dieu. Mais cette image est ternie par la corruption du vieil homme. Pourtant, la représentation médiévale de l’homme peut donner lieu à une puissante vision de la dignité de l’homme. Défini comme coopérateur de Dieu, l’homme est appelé à concourir, par sa raison, à l’œuvre de la Création. Pour nous résumer, disons que l’homme a été créé pour être le moyen terme et la réunion de toutes les créatures. Car il n’est aucune créature qui ne puisse être considérée dans l’homme. Il partage l’intellect avec l’ange, la raison avec l’homme, le sens avec l’animal, la vie avec les semences. L’homme condense en lui la hiérarchie des créatures. Son œuvre propre consiste à harmoniser, par la raison, l’intellect et le sens.

Mais peut-on parler de l’Homme en général, et non de tel ou tel homme, avant d’avoir élucidé comment la pensée conçoit cette notion universelle ? Le Moyen-âge cherche à montrer que l’humanité de Socrate et de Platon ne résulte pas de leur participation à une essence matérielle unique, car l’individualité humaine ne serait alors qu’un accident. Les hommes individuels ne se rencontrent pas en l’homme comme dans une chose commune, mais dans l’être homme, c’est-à-dire dans un certain état. Cette réflexion du douzième siècle philosophique fraye ainsi la voie à une pensée attentive au statut de l’individualité humaine. Au treizième siècle, le thomisme reprend la question de la nature de l’homme, en vue d’élaborer une notion de l’individualité humaine compatible avec la doctrine chrétienne de l’immortalité de l’âme, concluant à l’éternité impersonnelle de l’intellect agent. Ainsi, pour ce système, l’homme est le composé d’une substance à la fois spirituelle et corporelle. Mais peut-on démontrer rationnellement que l’intellect agent, dont l’objet est l’universel, n’est pas séparé, impassible et sans mélange, seul immortel et éternel ? Comment comprendre que l’intellect ne soit pas une forme universelle, identique chez tous les hommes, mais une partie de l’âme, qui se multiplie avec les âmes individuelles ? La question de l’essence de l’individualité humaine reste ouverte pour la pensée.

La pensée humaniste de la Renaissance, au XVè siècle, présente l’homme comme le grand miracle ou le microcosme. Ainsi, la nature humaine a été placée au-dessus des anges, enfermant en elle l’univers : elle est un microcosme, ou un petit monde. Les penseurs de la Renaissance développent l’idée nouvelle selon laquelle l’homme est doté de sa seule volonté libre. Parlant de ce nouveau Epiméthée, ils écrivent : « Nous ne t’avons donné ni une place déterminée, ni une physionomie propre, ni aucun don particulier, afin que tu les aies selon ta volonté. Pour les autres, leur nature définie est régie par des lois que nous avons prescrites ; toi, tu n’es limité par aucune barrière, c’est de ta propre volonté que tu détermineras ta nature. » La philosophie de la Renaissance tend alors à renverser le rapport de l’homme microcosme en macrocosme. Ainsi l’homme accompli ou le sage, mérite d’être appelé l’autre grand monde. Voilà pourquoi l’homme de nature n’est pas encore homme à part entière : il lui faut accomplir de lui-même son humanité pensante dans l’homme de culture. Recueillant en soi la connaissance du monde et de soi-même, l’homme de culture peut être dit la lumière naturelle et la splendeur de l’homme.

Dans la Renaissance également le travail intellectuel et les œuvres de l’esprit sont les plus hautes marques de l’activité humaine et la source de toute évolution politique. Même l’humaniste est vu comme l’auteur des écrits purement humains et philosophiques, sans mélange avec la théologie. Il devient ainsi l’homme purement homme, cet être ondoyant et divers. En s’observant lui-même, l’homme recherche une connaissance directe de l’humaine condition.

Au XVIIè siècle, le cartésianisme refuse de définir l’homme. Pour ce système, en suspendant par le doute toute représentation d’une cosmologie ou d’une métaphysique déjà constituée que l’homme prend directement conscience de soi, comme d’un être dont l’existence se découvre dans la pensée. Mais, si l’essence du moi cartésien consiste en la pensée, l’intégrité de l’homme est définie par l’union d’une substance pensante et d’un corps étendu, de sorte que, pour connaître l’homme, il faut aussi étudier le corps étendu en tant qu’il est en mouvement, et lé décrire comme machine.

Dans l’univers pascalien, toute doctrine de l’homme procède toujours d’une vue partielle, masquant les contrariétés qui sont en l’homme. Pascal rappelle les hommes à leur cœur et les faire commencer par se connaître eux-mêmes. Il recommande surtout aux hommes de bien penser ; tel est chez lui, le principe de la morale. Il ne faudrait pas limiter l’homme, car l’homme passe infiniment l’homme.

Au XVIIIè siècle, en Allemagne, Kant cherche à fonder une notion morale de l’homme, pensé comme le sujet de la loi morale, de sorte que l’homme soit toujours reconnu, par la raison, comme fin en soi, tel que jamais il ne puisse être pris comme un moyen par autrui.

A mesure que l’on avance dans l’époque moderne, il semble de plus en plus difficile de retrouver une synthèse vivante de l’homme, tant on se trouve confronté à une diversité croissante d’approches partielles. Dans la pensée française du XIXè siècle, on voit s’approfondir deux orientations majeures : d’une part, l’étude de l’homme intérieur ou encore le sens intime, cette sorte de vue intérieure qui rend l’homme présent à lui-même ; d’autre part une réflexion qui privilégie l’étude de l’homme social, en vue de régler l’ensemble de la vie humaine, intellectuelle, et pratique, en y rapportant tout à l’Humanité. En approfondissant cette conception générale de l’humanité pensante et sensible, on en vient à penser que l’institution de l’état normal de l’humanité ne saurait être effectuée par la seule sociologie, mais par le concours de l’art et de la morale. Mais l’idée d’un état normal de l’humanité suppose une notion très stable de l’homme. Très différemment, en Allemagne, on distingue plusieurs démarches antagonistes parmi lesquelles nous voulons approfondir celle de Nietzsche.

L’homme se décline de deux façons chez Nietzsche : d’abord l’homme en général (Mann). Nous utilisons pour les références les deux volumes des œuvres complètes de Nietzsche, dans la traduction de Robert Laffont. L’ouvrage de Nietzsche, Humain, trop humain, au premier volume, à propos des caractères de haute et basse civilisation, fait référence à la civilisation grecque qu’il qualifie de civilisation virile[4]. La civilisation grecque de l’époque classique est une civilisation d’hommes. Elle se compose aussi de femmes et d’enfants. A ces derniers, doit être inculquée une éducation virile. Quant aux femmes, elles ont pour devoir d’enfanter de beaux corps puissants. Ces hommes sont doués de grandeur d’âme[5].

Au livre quatrième de Aurore, Nietzsche parle d’hommes complets, comme des hommes qui « possèdent, en temps ordinaire, la confiance en eux-mêmes et le sentiment de la puissance[6]. » Mais comment, d’après Nietzsche, les civilisations aryennes et sémites définissent-elles l’homme ?

Dans La naissance de la tragédie enfantée par l’esprit de la musique, Nietzsche élargit sa perspective esthétique à l’anthropologie : « L’aryen, dit-il, symbolise le crime par un homme, et le sémite personnifie le péché par une femme[7]. » Pour l’auteur de Humain trop humain, « les femmes parlent comme des êtres qui, durant des siècles, furent assis au métier à tisser ou tissèrent l’aiguille ou firent l’enfant avec les enfants[8]. » Dans ce même ouvrage, l’auteur écrit : « La maladie des hommes consiste à se mépriser[9]. » Il ajoute plus loin, à propos des suites habituelles du mariage que « les hommes descendent d’ordinaire quelque peu quand ils prennent femme[10]. » Quant « aux femmes, poursuit-il, (elles) ont l’entendement, les hommes, la sensibilité et la passion.[11] » Nietzsche soutient en outre qu’ « il y a plus de ressemblance entre l’homme et l’adolescent[12]. » A côté de l’emploi du mot « homme », Nietzsche utilise aussi le mot « jeune homme ».

Le Nietzsche de Humain trop humain II pense à ce qui se passe dans l’âme du jeune homme. Celui-ci fait alterner le dévouement et l’effronterie dans ses rapports avec une même personne[13]. Car, dans les autres, il n’estime et ne méprise au fond que lui-même ; et à l’égard de lui-même, il oscille nécessairement d’un sentiment à l’autre, jusqu’à ce que l’expérience l’ait fait trouver la mesure dans son vouloir et son pouvoir[14].

Pour Nietzsche, la profondeur appartient à la jeunesse, ainsi que le charme. Le jeune homme est exalté, de ce qui est de son devenir, encore plein de pressentiment et d’espérances[15]. Nietzsche poursuit un peu plus loin en disant : « (qu)’un jeune homme ne peut pas comprendre que quelqu’un de plus âgé que lui ait déjà passé par ses ravissements, ses aurores de sentiments, ses tours de pensées et ses élévations[16]. » Nietzsche constate l’impatience de la jeunesse. Le jeune homme « ne veut pas attendre que, après de longues études, des souffrances et des privations, son image des hommes et des choses devienne complète[17]. » Après le jeune homme, Nietzsche, avant de s’attaquer à la différence spécifique entre l’homme et la femme, affirme que « le sexe masculin possède un plus mauvais tempérament que le sexe féminin. » « Cela ressort aussi du fait que les enfants masculins sont plus exposés à la mortalité que les enfants féminins[18]. »

Le Prologue du Gai Savoir, cet opéra-comique ou plutôt cette « plaisanterie, ruse et vengeance » est un prologue envers les allemands. Le numéro 22 parle de l’homme et de la femme en des termes délirants : « Enlève la femme, celle pour qui bat ton cœur ! » Ainsi pense l’homme ; la femme n’enlève pas, elle vole[19]. » Pour Nietzsche, c’est « l’homme qui se crée l’image de la femme, et la femme qui se forme d’après cette image[20]. » Peut-être que notre auteur veut-il faire allusion au texte de la Génèse1,27 de l’Ancien Testament. Nietzsche veut nous traduire sa foi en la virilisation de l’Europe, et ses préjugés sur l’amour, lorsqu’il écrit : « Un homme qui aime comme une femme devient esclave[21]. » Poursuivant cette idée il affirme que chez l’homme « l’amour peut parfois entraîner la fidélité, soit sous forme de reconnaissance ou comme idiosyncrasie du goût[22]. » Il y a comme une antinomie naturelle entre l’amour et la fidélité chez l’homme. Ainsi, « (si) la femme se donne, l’homme prend et s’accroît[23]. »

Pour terminer cette partie sur les occurrences de l’homme, retrouvons le jeune homme et Zarathoustra dans le discours « de l’arbre sur la montagne ». L’homme est comparé à un arbre. « Plus il veut s’élever vers les hauteurs et la clarté, plus profondément aussi ses racines s’enfoncent dans la terre, dans les ténèbres et l’abîme, - dans le mal[24]. » Zarathoustra traduit enfin le comportement de tous les hommes, « ils ne connaissent rien de meilleur sur la terre que de coucher avec une femme[25]. »

La deuxième acception pour dire Homme est Mensch en Allemand. C’est l’acception la plus utilisée par Nietzsche. D’abord Nietzsche nous décrit un peu sa caractéristique mythologique. Rappelons-nous l’homme, dans son rapport à l’espérance dans l’épisode de la boîte de Pandore. Souvenons-nous de la première femme, selon Hésiode[26]. Zeus, voulant punir Prométhée d’avoir dérobé le feu céleste, lui envoya Pandore pour épouse, après avoir mis entre ses mains une boîte où tous les maux étaient enfermés. Le prudent Prométhée refuse de recevoir Pandore, mais son frère Epiméthée l’accueillit et elle lui ouvrit la boîte, d’où tous les maux se répandirent sur la terre. Il ne resta au fond de la boîte que l’Espérance. La première définition que nous pouvons donner à l’homme est espérance.

La seconde définition est la vanité. « Qu’est la vanité de l’homme le plus vain à côté de la vanité que possède l’homme le plus humble qui, dans le monde et la nature, se considère comme « homme[27] » ! » Pour paraphraser nous dirons que l’homme, c’est du vent. Enfin, dans le discours célèbre du voyageur et son ombre, l’ombre affirme que « quand l’homme fuit la lumière, nous fuyons l’homme : c’est la mesure de notre liberté[28]. » Ici l’homme semble un être abandonné, car la lumière le fuit souvent[29]. Finalement l’homme devient un esclave, mène une vie d’humiliation et de dégoût. Etre sans liberté, il empoisonne les plus grandes joies[30].

La crainte, par ailleurs, est « le sentiment inné et primordial de l’homme[31]. » Pour devenir homme, il a eu « envie de toutes les vertus des bêtes les plus sauvages et les plus courageuses, et il le leur a arrachées. C’est ainsi qu’il est devenu – homme[32]. » L’homme, dans Ecce Homo est déterminé rigoureusement par Nietzsche, « non point comme un objet d’amour ou même de pitié…Il est pour lui une chose informe, une matière, une pierre laide qui a besoin de statuaire[33]. » De ces caractéristiques générales, détaillons davantage la notion d’homme à l’intérieur des œuvres de Nietzsche.

Pour Nietzsche, l’homme est un « monde intérieur[34] », « un domaine plus haut et relativement supérieur.[35] » Dans son illogique nécessaire, « même l’homme le plus raisonnable a besoin de temps en temps de retourner à la nature, c’est-à-dire à sa relation illogique fondamentale avec toutes choses[36]. » Mais Nietzsche considère plusieurs sortes d’hommes. Prenons les, les uns à la suite des autres.

D’abord l’homme ordinaire. Il est celui qui « attribue plus d’importance à soi qu’au monde[37]. » A côté de lui, il y a l’homme moral. La recherche de l’homme moral est une partie intégrante de l’histoire des sentiments moraux. Nietzsche, citant Paul Rée, écrit que l’homme moral n’est pas plus proche du monde intelligible (métaphysique) que l’homme physique[38]. Toutefois, précise-t-il, un peu plus loin, dans le chapitre sur la vie religieuse, « l’homme n’est pas à toute heure également moral[39] », mais « c’est dans la passion qu’il est le plus moral[40]. » Aussi s’interroge Nietzsche : peut –on comprendre quelque chose d’un être réellement vivant ?

Il ne le pense pas[41]. Le poète, poursuit-il, fait des esquisses d’hommes superficielles…mais il soutient que ce sont pas des êtres naturels en chair et en os[42]. Le dramaturge, au contraire, crée l’homme originaire et naturel[43]. C’est lui, l’homme réel et nécessaire. Une autre idée que Nietzsche va développer dans ce même chapitre, est celle du rapport de l’homme réel à la crainte.

Nietzsche affirme que durant des centaines de millénaires, l’homme fut un animal, sujet à la crainte au suprême degré[44]. Ce chapitre sur l’homme de lettres, ne peut s’achever sans une définition de celui-ci. L’homme de lettres est celui dont le meilleur auteur a honte[45]. Abandonnant l’homme de lettres, Nietzsche en vient à l’artiste.

Celui-ci, écrit Nietzsche, ne peut jamais donner à son image de valeur que pour un temps[46]. La raison est que « l’homme, en général, est le produit d’une évolution et il est sujet à changement[47]. » Il en est de même pour l’individu qui « n’est rien de fixe et d’arrêté[48]. » La réflexion nietzschéenne sur l’art dans son rapport à la nature et aux sciences naturelles, lui permet de faire ce rapprochement capital : « L’homme scientifique est le développement ultérieur de l’homme artistique[49]. » L’homme réel n’est-il pas celui qui est le centre de la terre, et par conséquent, celui qui doit prendre en mains la direction de cette terre ?

Nietzsche soutient farouchement cette idée, en ajoutant que c’est l’omniscience de l’homme qui « doit veiller d’un œil pénétrant sur la destinée ultérieure de la civilisation[50]. » En disant cela, Nietzsche fait de l’homme, un véritable acteur de l’histoire. Mais quelle est l’histoire de l’homme lui-même ? Dans son histoire, les forces dionysiaques ouvrent la voie, tout d’abord par la destruction, mais après les forces apolliniennes, plus douces, prennent le relais. Et Nietzsche de constater : « Ces énergies terribles – ce qu’on appelle le Mal – sont les architectes et les pionniers cyclopéens de l’humanité[51]. » Toujours dans le chapitre sur les « caractères de haute et basse civilisation », au paragraphe 276, il est question du microcosme et du macrocosme de la civilisation.

Nietzsche pense que « c’est en lui-même que l’homme fait les meilleures découvertes sur la civilisation[52]. » Cet homme est-il un homme d’action ? La réponse à cette question Nietzsche nous la donne un peu plus loin au paragraphe 283 quand il écrit : « Les hommes d’action manquent ordinairement de l’activité supérieure[53]. » Ce ne sont pas des hommes déterminés, isolés et uniques. Les gens d’actions roulent comme roule la pierre, suivant la loi brute de la mécanique. Cet homme action peut-il bien se comporter en société ?

Un chapitre de Humain trop humain I pense l’homme en société comme quelqu’un qui aime se cacher. Nietzsche parle alors de « dissimulation bienveillante[54] . » Dans la société également Nietzsche rencontre des copies d’hommes supérieurs. L’homme en société peut-il, par exemple, se laisser acheter ?

L’adage qui dit que « tout homme a un prix », ne se vérifie pas chez Nietzsche[55]. Chacun peut avoir un appât auquel il doit mordre. En jetant un coup d’œil sur l’Etat, Nietzsche lance cet appel aux hommes en société : « Vivez en hommes supérieurs, et ne vous lassez pas d’œuvrer aux œuvres de la civilisation supérieure[56]. » Cet appel n’invite-t-il pas l’homme à entrer en lui-même, à devenir un homme vrai ?

Pour Nietzsche l’homme vrai est un homme de conviction, un penseur qui émet des propositions désagréables, un homme qui a du caractère. Il a aussi un esprit léger de nature[57]. Cet homme vrai pourrait aussi s’appeler l’homme profond.

Cet homme profond est celui qui a la force dans l’approfondissement de ses impressions. En face de toute apparition soudaine, il est relativement calme et résolu. En plus il est souvent son propre comédien. Face à cet homme profond, l’homme moderne est à plaindre. Ce dernier (l’homme moderne) éprouve d’habitude une impatience extrême quand il rencontre de pareilles natures qui ne produisent rien sans qu’on puisse dire d’elles qu’elles ne sont rien[58].

Dans Humain trop humain II, Nietzsche parle des grands artistes d’aujourd’hui. Ceux-ci, dans ses opinions et sentences mêlées, sont capables le plus souvent de déchaîner la volonté, et par cela même, dans certaines circonstances de libérer la vie. En outre, ils peuvent « libérer la vie, être des créateurs d’hommes et surtout des sculpteurs[59]. » La simple allusion à l’homme moderne ou au grand artiste d’aujourd’hui, me fait penser à celui que Nietzsche appelle le dernier homme.

Nietzsche le définit comme « l’homme le plus simple et en même temps le plus complet[60]. » Mais ce qui est simple, dit Nietzsche ne se représente ni en premier ni en dernier lieu. Ce qui est simple, a beaucoup trop la réputation d’être ce qu’il y a de plus ancien et d’avoir existé dès le début. Dans l’homme Nietzsche pense qu’on peut voir un spectacle inévitable de la beauté et de la force humaines[61].

Dans Humain, trop humain II, l’ombre qui dialogue avec le voyageur lui confie ceci : « J’aime les hommes parce qu’ils sont disciples de la lumière[62]. » Dans ce même chapitre, au paragraphe 14 intitulé « l’homme, comédien de l’univers », Nietzsche fait le raisonnement suivant : « Si un Dieu a créé le monde ; il a créé l’homme pour être le singe de Dieu, comme un perpétuel sujet de gaieté dans ses éternités un peu trop longues[63]. » L’homme devient ainsi la risée de tout le reste des créatures qui l’entourent. Il est un immortel ennuyé. Dieu a créé l’homme pour en rire, poursuit Nietzsche[64]. Remontant à un chapitre plus haut, intitulé les erreurs fondamentales, Nietzsche affirme que l’homme vit dans des erreurs constantes : l’identité et le libre-arbitre. Sans ces erreurs, l’humanité ne serait pas créée. L’homme vit dans l’illusion constante qu’il est un être libre dans un monde de la nécessité[65]. Il apparaît alors comme le sur-animal, le quasi-dieu, le sens de la création[66]. Ainsi l’homme est la vanité des vanités.

Pour vivre pleinement son humanité, de quoi l’homme a-t-il besoin ? Quelle est la fin de l’homme ? Quelle est sa destinée après la mort ? Comment se réconcilie-t-il  avec Dieu ? Telles sont d’autres questions que Nietzsche se pose dans Humain, trop humain II[67]. Il demande ensuite que l’esprit abandonne ces curiosités pour se concentrer sur la réalité historique qui est celle-ci : l’homme a trop longtemps vécu pauvrement aux divers degrés de civilisation, des millénaires durant. Là, « il a appris à mépriser le présent et le prochain et la vie elle-même[68]. » Qui est donc cet homme ?

Nietzsche répond à cette question au paragraphe 21 du même chapitre. L’homme est celui qui mesure[69]. Mais apprécier un homme d’aujourd’hui est utile ou inutile[70]. Aussi des peuples entiers se sont efforcés, pendant des siècles, de découvrir et de mettre à l’épreuve des moyens nouveaux, par quoi « l’on peut faire du bien à la grande collectivité humaine[71]. » Résumons-nous à présent : l’homme est vanité[72]. Quand il fuit la lumière, nous le fuyons[73]. Il y a, ajoute Nietzsche, bien des choses qui sont restées obscures en l’homme. Quelle est alors la différence entre l’homme et l’animal ?

La différence est qu’il est devenu plus doux, plus spirituel, plus joyeux, plus réfléchi que l’animal[74]. Mais il est enchaîné par des représentations morales, religieuses et métaphysiques. La différence entre l’homme et l’animal est que le premier s’est séparé de ses chaînes.

Nietzsche définit l’homme dans Aurore comme une « abstraction exsangue[75] », une « fiction ». Il est aussi « la créature la plus craintive de toutes, grâce à sa nature subtile et fragile[76] . » Nietzsche pense aussi que l’homme ne connaît pas les hommes, c’est-à-dire qu’il ignore la bassesse ou encore l’exception. En clair, Nietzsche veut dire qu’il y a en l’homme du merveilleux et du vil. L’homme est d’une telle opacité qu’il cache les choses[77]. Voilà pourquoi Nietzsche se promène parmi les hommes, tel un explorateur et un observateur[78].

Toujours dans ce même cinquième livre d’Aurore, Nietzsche s’en prend aux hommes transparents. Il ajoute que pour les grands philosophes, tous les hommes croient en eux-mêmes, « comme à des faits accomplis, arrivés à maturité[79]. » Le livre premier du Gai Savoir parle de l’homme comme de quelqu’un que « est devenu peu à peu un animal fantasque qui aura à remplir une condition d’existence de plus que tout autre animal[80]. » Plus loin Nietzsche souligne que « l’homme fait au fond partie des animaux d’un bon naturel… de bonne crédulité[81]. » En outre, il est « maintenant plus méchant que jamais[82]. »

Au deuxième livre du Gai Savoir, Nietzsche veut ignorer que « l’homme est encore autre chose qu’âme et forme[83]. » Il poursuit sa réflexion en disant que l’homme sous la peau est une abomination, une monstruosité, un blasphème envers Dieu et l’amour. Au livre suivant, Nietzsche constate que « l’homme a été éduqué par ses erreurs[84]. » La première erreur est que l’homme est un être incomplet. La seconde est qu’il s’attribue des qualités imaginaires. La troisième erreur est qu’il se sent dans un rapport faux vis-à-vis des animaux et de la nature. Enfin, la quatrième erreur est qu’il invente des tables de bien toujours nouvelles, les considérant, pendant un certain temps, comme éternelles et absolues.

Nietzsche craint que les animaux ne considèrent l’homme comme un être de leur espèce. Car, poursuit-il, « d’une façon fort dangereuse, (l’homme) a perdu son bon sens animal[85]. » Les animaux considèrent l’homme comme un animal absurde, un animal qui rit et qui pleure, un animal misérable.

La maladie particulière et la vertu de l’homme actuel s’appellent le sens historique. Mais l’histoire de l’homme dans son ensemble est une énorme généralisation, une affliction de malade qui songe à la santé, une tare de vieillard qui songe au rêve de sa jeunesse[86].

Nietzsche trouve que le monde dans lequel nous vivons est inhumain[87]. Et il ajoute que l’homme est un animal qui vénère. Il est aussi un animal méfiant. Notre généalogiste pense, en outre, que l’homme est contre le monde, qu’il en est son principal négateur, qu’il est l’étalon des choses et qu’enfin il se considère comme juge de l’univers. Mais affirme-t-il, l’existence de l’homme, mise dans la balance, n’apparaît-elle pas comme trop légère ?

L’une des raisons de cette légèreté de l’homme est que ce dernier, solitaire et bête de proie, aurait pu se passer de sa conscience[88]. C’est une nécessité qui a longtemps dominé l’homme. Il est, en outre, « l’animal qui courait le plus de dangers[89]. » L’homme n’a de valeurs, de sens, qu’autant qu’il est une pierre dans un grand édifice[90]. Le cinquième livre du Gai Savoir parle de « l’homme manqué qui ne possède pas assez d’esprit pour pouvoir s’en réjouir et juste assez de culture pour le savoir[91]. »

Nietzsche pense ensuite à une virilisation de l’Europe. Il veut refaire son monde dans lequel « l’homme, l’emportera, une fois de plus, sur le commerçant et le philistin[92]. » Il invite ainsi ses contemporains à se protéger des hommes de son époque, car « tout rapport avec les hommes (lui) cause un léger effroi[93]. »

Dans son livre phare Ainsi parlait Zarathoustra, l’homme est présenté comme « quelque chose qui doit être surmonté.[94] » Il est un pont et non un but,[95]un passage et un déclin[96].

Le vieil homme que Zarathoustra rencontre dans le Prologue 8, est une métaphore qui rappelle celle employée dans le christianisme. Le vieil homme est tout ce qui doit être rejeté par le néophyte, la plante nouvelle, l’être nouveau. Ici, l’être nouveau est Zarathoustra. Ce dernier doit revêtir l’homme nouveau et se débarrasser du vieil homme.

Le discours sur « des Mille et un buts » parle de l’homme comme de quelqu’un qui évalue[97]. En rencontrant des vieilles femmes et des jeunes, l’homme véritable qui est Zarathoustra, veut deux choses : le danger et le jeu[98]. L’homme est vu, dans le discours sur « les compatissants » comme « la bête aux joues roses[99]. » Il a dû trop souvent rougir de honte. Enfin Nietzsche désapprend de ce qu’il sait des hommes, quand il vit parmi eux[100]. En effet, l’homme est quelque chose qui doit être surmonté[101]. Nietzsche veut retourner auprès d’eux, car c’est parmi eux qu’il veut disparaître[102]. L’homme est la meilleure bête de proie[103].

Le discours « le convalescent » du troisième Zarathoustra dit de l’homme qu’il est envers lui-même l’animal le plus cruel[104]. Nietzsche parle dans le même passage du grand dégoût de l’homme. Il esquisse l’idée de l’éternel retour qui fera revenir éternellement l’homme dont Nietzsche est fatigué : l’homme petit : « Hélas ! L’homme reviendra éternellement ! L’homme petit reviendra éternellement[105]. »

Dans son discours sur « de l’homme supérieur », au troisième paragraphe, Nietzsche affirme à nouveau que l’homme est une transition et un déclin[106]. Au paragraphe 5, nous lisons : « L’homme doit devenir meilleur et méchant[107]. » « La fête de l’âne », en son dernier paragraphe, met en scène Zarathoustra et ses invités. Tous sont unanimes, après avoir regardé le ciel : « Nous ne voulons pas du tout entrer dans le royaume des cieux : nous sommes devenus des hommes. C’est pourquoi nous voulons le royaume de la terre[108]. »

La deuxième partie de Par delà le bien et le mal, au paragraphe 24 dit l’étrangeté du monde simplifié et falsifié dans lequel vit l’homme[109]. L’amour de Nietzsche pour l’Italie lui fait dire son admiration pour ce pays, et pour ses habitants. Il reprend alors une expression de Vittorio Alfieri sur l’Italie quand il écrit : « La plante homme y naît plus robuste qu’ailleurs[110]. » Cette allusion est reprise dans Par delà le bien et le mal[111]. Cet homme nietzschéen est celui qui croît vigoureusement et qui possède une volonté absolue de puissance[112].

La troisième partie de Par delà le bien et le mal, au paragraphe 62 nous apprend que l’homme est « l’animal dont le caractère propre ne s’est pas encore fixé[113]. » La cinquième partie du même ouvrage, contient l’expression nietzschéenne l’animal « homme » tout entier[114]. Nietzsche veut dire ici que la véritable nature de l’homme c’est d’être animal. Ainsi il se demande ce qu’il peut encore tirer de l’homme par un rassemblement et une stimulation favorables des énergies et des tâches[115], vers la fin de ce chapitre cinquième. En définitive, qu’est-ce qu’un homme, se demande Nietzsche ?

Pour lui, l’homme est matière, fragment, superflu, argile, boue, sottise, chaos, mais il est aussi créateur, sculpteur, marteau impitoyable[116]. Il est l’homo natura, c’est-à-dire, l’homme comme nature. Nietzsche nous invite à retraduire l’homme dans le langage de la nature[117]. Nietzsche nous apprend ensuite que l’homme est un animal complexe, menteur, artificiel et impénétrable[118]. Il nous invite à rendre cet animal plus fort, plus méchant et plus profond[119]. La complexité de l’homme vient aussi du fait que l’homme est un animal agréable, vaillant, inventif[120]. Mais quelle est cette chose qui produit aujourd’hui l’aversion de Nietzsche pour l’homme ?

La première dissertation de La Généalogie de la morale nous en donne la réponse. Pour Nietzsche, chez l’homme rien ne lui inspire plus la crainte. Et, en plus, la basse vermine « homme » s’est mise en avant et à pulluler. Enfin, l’homme apprivoisé, irrémédiablement médiocre et affligeant, a appris à se considérer comme l’aboutissement et l’apogée, comme sens de l’histoire et comme homme supérieur[121].

Nietzsche partant d’une étymologie douteuse : Le mot Mensch vient de Manas, un mot sanscrit qui signifie conscience, se demande si ce mot exprime encore quelque dignité[122]. En effet l’homme s’est désigné comme l’être qui estime des valeurs, qui apprécie et évalue, comme l’animal estimateur par excellence. Mais, il n’est pas un but ; seulement il est un cheminement, un incident, une passerelle et une grande promesse[123]. La raison se trouve dans le fait que l’homme est malade de lui-même. Cela est la conséquence d’un divorce violent avec le passé animal[124]. Ainsi donc l’homme s’est lui-même crucifié et profané et ce fait dure depuis deux mille ans[125]. Nietzsche conclut cet ouvrage par la réflexion suivante : l’homme, l’animal-homme, n’a eu jusqu’à présent aucun sens[126].

Dans le crépuscule des idoles, le texte sur « les quatre grandes erreurs » est remarquable en ce qui concerne sa réflexion sur l’homme. Nietzsche nous apprend que l’homme n’est pas la conséquence d’une intention propre, d’une volonté, d’un but[127]. « Dans flâneries d’un inactuel », Nietzsche semble affirmer que l’homme se reflète dans les choses et tout ce qui lui rejette son image lui semble beau[128]. Il avait auparavant souligné la joie que l’homme cause à l’homme.

L’histoire de ses aspirations fut jusqu’à présent la partie honteuse de l’homme[129]. A ce propos Nietzsche ne voit pas ce qu’on veut faire de l’ouvrier européen après avoir fait de lui une question. En fin de compte, il a un grand nombre pour lui. Il ajoute qu’ « il faut complètement renoncer à l’espoir de voir se développer une espèce d’homme modeste et frugale, une classe qui répondrait au modèle du Chinois[130]. »

Tant que le prêtre a prévalu, comme type suprême, toute espèce d’homme de valeur a été dépréciée,[131]nous affirme Nietzsche. Car ajoute-t-il, le prêtre d’aujourd’hui doit être considéré comme l’être le plus bas, le plus menteur et le plus indécent. Quel type d’homme doit-on élever, doit-on vouloir ?

Finalement l’homme a toujours été considéré par le Nietzsche de lAntéchrist comme l’animal le plus intéressant[132], l’animal le plus fort[133], parce qu’il est le plus rusé. Mais il est aussi le plus manqué de tous les animaux, le plus maladif, celui qui s’est égaré dangereusement loin des instincts[134]. Nous aurions aimé poursuivre cette étude sur l’homme en lisant des textes de Nietzsche sur l’homme célèbre, sur l’homme d’action, l’homme d’affaires ou l’homme d’Etat. Il en va de même pour l’homme grand, l’homme moderne ou encore l’homme supérieur. Mais nous jugeons plus judicieux de parler de l’humain et de l’humanité, en fonction du thème de notre ouvrage.


[1] NIETZSCHE (Friedrich).- Introduction à l’étude des dialogues de Platon (Paris, Editions de l’éclat 2005), p. 87

[2] NIETZSCHE (Friedrich).- Introduction à l’étude des dialogues de Platon (Paris, Editions de l’éclat 2005), p. 87

[3] FAYE(Emmanuel).- « Homme » dans Encyclopédie Philosophique Universelle II Les Notions Philosophiques, Tome1 (Paris, PUF, 1990), p. 1157

[4] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, caractères de haute et basse civilisation, § 259, p. 579 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[5] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, caractères de haute et basse civilisation, § 434, p. 631 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[6] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Aurore, livre quatrième § 403, p. 1150 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[7] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Naissance de la tragédie, § 9, p. 68 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[8] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 342, p. 605 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[9] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 384, p. 618 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[10] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 394, p. 619 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[11] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 411, p. 623 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[12] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 612, p. 680 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[13] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, § 277, p. 795 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[14] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, § 277, p. 795 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[15] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, § 282, p. 796 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[16] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, § 293, p. 798 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[17] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, § 266, p. 926 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[18] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, § 274, p. 929 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[19] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir. Plaisanterie, Ruse et Vengeance, § 22, p. 37 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[20] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir. Livre deuxième, § 68, p. 92 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[21] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir. Livre cinquième, § 363, p. 233 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[22] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir. Livre cinquième, § 363, p. 234 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[23] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir. Livre cinquième, § 363, p. 234 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[24] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra. De l’arbre sur la montagne, p. 314 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[25] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra. De la chasteté, p. 324 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[26] HESIODE.- Les travaux et les jours, v. 90 et ss.

[27] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, § 304, p. 943 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[28] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, § 350ss, p. 955 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[29] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, § 350ss, p. 955 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[30] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, § 350ss, p. 955 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[31] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, De la science, p. 524 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[32] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, De la science, p. 524 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[33] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ecce Homo, Pourquoi j’écris de si bons livres 8, p. 1180 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[34] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 6, p. 438 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[35] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, § 6, p. 438 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[36] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Des choses premières et dernières, § 31, p. 461 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[37] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Des choses premières et dernières, § 33, p. 462 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[38] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Pour servir l’histoire des sentiments moraux. § 37, p. 467 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[39] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, La vie religieuse § 138, p. 519 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[40] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, La vie religieuse § 138, p. 519 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[41] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 160, p. 532 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[42] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 160, p. 532 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[43] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 160, p. 532 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[44] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 169, p. 538 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[45] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 192, p. 543 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[46] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 222, p. 558 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[47] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 222, p. 558 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[48] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 222, p. 558 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[49] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, De l’âme des artistes et des écrivains § 222, p. 559 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[50] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Caractère de haute et basse civilisation § 245, p. 572 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[51] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Caractère de haute et basse civilisation § 246, p. 573 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[52] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Caractère de haute et basse civilisation § 276, p. 583 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[53] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Caractère de haute et basse civilisation § 283, p. 592 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[54] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, L’homme en société § 293, p. 597 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[55] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, L’homme en société § 359, p. 609 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[56] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, Coup d’œil sur l’Etat § 479, p. 655 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[57] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, L’homme avec lui-même § 483-486, p. 657 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[58] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain I, L’homme avec lui-même § 623, p. 684 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[59] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées § 172, p. 762 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[60] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées § 176, p. 764 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[61] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées § 222, p. 780 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[62] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, p. 828 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[63] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §14, p. 828 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[64] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §14, p. 828 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[65] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §12, p. 835 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[66] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §12, p. 835 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[67] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §16, p. 837 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[68] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §16, p. 837 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[69] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §21, p. 840 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[70] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §188, p. 901 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[71] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, §189, p. 901 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[72] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées, § 222, p. 780 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[73] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées, § 350s, p. 955 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[74] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Humain trop humain II, Le voyageur et son ombre, § 350, p. 953 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[75] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Aurore, Livre Deuxième, § 105, p. 1028 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[76] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Aurore, Livre Deuxième, § 142, p. 1058 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[77] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Aurore, Livre Cinquième, § 438, p. 1162 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[78] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Aurore, Livre Cinquième, § 468, p. 1171 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[79] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, I, Aurore, Livre Cinquième, § 560, pp. 1206-1207 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[80] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre premier, § 1 p. 51 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[81] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre premier, § 33 p. 75 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[82] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre premier, § 33 p. 75 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[83] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre deuxième, § 59 p. 88 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[84] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre troisième, § 115 p. 126 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[85] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre troisième, § 224 p. 156 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[86] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre quatrième, § 337 p. 198 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[87] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 346 p. 210 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[88] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 354 p. 219 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[89] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 354 p. 219 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[90] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 356 p. 223 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[91] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 359 p. 229 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[92] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 362 p. 233 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[93] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le Gai Savoir, Livre cinquième, § 379 p. 249 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[94] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue 3 p. 291 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[95] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue 4 p. 293 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[96] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue 4 p. 293 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[97] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, I, Des mille et un buts, p. 328 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[98] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, I, Des femmes vieilles et jeunes, p. 333 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[99] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, I, Des compatissants, p. 349 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[100] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Le retour, p. 429 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[101] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Des vieilles et des nouvelles tables, § 3, p. 439 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[102] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Des vieilles et des nouvelles tables, § 3, p. 439 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[103] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Des vieilles et des nouvelles tables, § 22, p. 450 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[104] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Le convalescent, p. 457 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[105] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, III, Le convalescent, p. 457 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[106] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, De l’homme supérieur, § 3 p. 510 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[107] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, De l’homme supérieur, § 5 p. 511 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[108] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Ainsi parlait Zarathoustra, IV, La fête de l’âne, § 2 p. 535 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[109] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 2è partie, § 21 p. 581 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[110] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes II, notes de la page 585 à la page 600, p. 1343, (Paris, Robert Laffont, 1993)

[111] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 2è partie, § 24 p. 596 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[112] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 2è partie, § 24 p. 596 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[113] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 3è partie, § 62 p. 6 11(Paris, Robert Laffont, 1993)

[114] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 5è partie, § 188 p. 634(Paris, Robert Laffont, 1993)

[115] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 5è partie, § 203 p. 647(Paris, Robert Laffont, 1993)

[116] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 7è partie, § 225 p. 672(Paris, Robert Laffont, 1993)

[117] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 7è partie, § 230 p. 678(Paris, Robert Laffont, 1993)

[118] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 9è partie, § 291 p. 729(Paris, Robert Laffont, 1993)

[119] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 9è partie, § 295 p. 732(Paris, Robert Laffont, 1993)

[120] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Par delà le bien et le mal, 9è partie, § 295 p. 732(Paris, Robert Laffont, 1993)

[121] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, La Généalogie de la morale, 1ère Dissertation, § 11, p. 792 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[122] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, La Généalogie de la morale, 2è Dissertation, § 8, p. 814 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[123] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, La Généalogie de la morale, 2è Dissertation, § 16, p. 826 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[124] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, La Généalogie de la morale, 2è Dissertation, § 16, p. 826 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[125] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, La Généalogie de la morale, 2è Dissertation, § 23, p. 833 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[126] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, La Généalogie de la morale, 3è Dissertation, § 28, p. 888 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[127] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le crépuscule des idoles, les quatre grandes erreurs, § 8, p. 980 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[128] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le crépuscule des idoles, flâneries d’un inactuel, § 19, p. 1000 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[129] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le crépuscule des idoles, flâneries d’un inactuel, § 32, p. 1006 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[130] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le crépuscule des idoles, flâneries d’un inactuel, § 40, p. 1015 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[131] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, Le crépuscule des idoles, flâneries d’un inactuel, § 45, p. 1019 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[132] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, L’Antéchrist, § 14, p. 1049 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[133] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, L’Antéchrist, § 14, p. 1049 (Paris, Robert Laffont, 1993)

[134] NIETZSCHE (Friedrich).- Œuvres Complètes, II, L’Antéchrist, § 14, p. 1049 (Paris, Robert Laffont, 1993)

lundi 29 juin 2009

GENEALOGIE NIETZSCHEENNE DU CHRIST ET DES CHRETIENS(2)

GENEALOGIE NIETZSCHEENE DU CHRIST ET DES CHRETIENS(2)

1. LE CHRIST VU NIETZSCHE(Suite)

D’après l’Aurore de Nietzsche[1], un christianisme, probe et juste, a toujours analysé les écrits de ses exégètes avec perspicacité. Ceux-ci, que ce soit au niveau de la dogmatique ou encore au niveau de la science exégétique proprement dite, ne manquent pas d’audace, mais sont parfois dans l’embarras devant le caractère sacré de l’Ecriture. Cette argumentation qui ne tient pas la route, offusque le philologue Nietzsche qui s’insurge contre les prédicateurs protestants en relevant « la façon grossière dont (ceux-ci) exploite(nt) le fait que personne ne peut (leur) répondre, la manière dont (ils) déforme(nt) et accommode(nt) la bible[2]… »

Quel statut a l’Ancien Testament dans le judaïsme et dans le christianisme ? Pour les chrétiens, selon Nietzsche, partout dans l’Ancien Testament, il n’est question que du Christ et rien d’autre, alors que les Juifs ont une autre lecture. Par exemple, la croix est un symbole central chez les premiers, tandis que les autres ont d’autres symboles, comme le bois, la verge, l’échelle, le rameau…Tous ces derniers symboles, pense Nietzsche, ne renvoient pas tous au Christ exclusivement. Il va même narguer les interprétations christiques comme celles des bras étendus de Moïse, tout comme les lances où rôtissait l’Agneau pascal. N’est-ce pas les dérives de l’exégèse allégorique qui ont fait le bonheur des chrétiens, pendant un certain temps ?

Le fait de parler en images, nous voulons dire en paraboles, apparaît chez Nietzsche, comme une caractéristique propre du christianisme et du judaïsme. Dans le paysage judaïque, affirme-t-il, « un Jésus-Christ ne pouvait être possible[3]. » Ce paysage, Nietzsche le caricature « comme la sombre et sublime nuée d’orage de Jehova en colère.[4] » Ici, nous relevons deux choses : la nuée qui personnifie la présence de Dieu d’une part, et de l’autre, la colère de Dieu ; le dieu de l’Ancien Testament qui est présenté parfois comme le Dieu des armées, qui se met en colère parfois, de façon violente dans l’histoire et punit les pécheurs. Les adjectifs « sombre et sublime » expriment ce contraste entre la colère et les grandes œuvres de Dieu, qui sont sublimes. Pour ce maître de la métaphore qu’est Nietzsche, le Christ vient égayer le ciel obscur, « comme un miracle de l’amour, comme un rayon de la grâce la plus imméritée.[5] » Quelle belle pluie d’images ! Nietzsche voit le Christ comme « un rêve d’arc-en-ciel[6] » ; son incarnation comme « une échelle céleste sur laquelle Dieu descendait vers les hommes[7] » En un mot, il était l’exception dans cette grisaille.

Un autre texte majeur où Nietzsche parle du Christ, est tiré de l’Antéchrist[8] n°39. Il nous raconte la véritable histoire du Christianisme. Dans un passage précédent Nietzsche avait soutenu que le premier chrétien était St Paul. Ici, dans ce texte, il se rétracte pour affirmer qu’il n’y a eu qu’un seul chrétien, Jésus-Christ, et ce seul chrétien est mort sur la croix. Jésus est aux yeux de Nietzsche un évangile. Après lui, tout ce qui est appelé évangile est un dysangelium, un kataévangélium, une mauvaise nouvelle. Puis Nietzsche s’en prend à St Paul, l’auteur qui a fait du salut par la foi, le signe distinctif du chrétien. Nietzsche argumente, en nous disant que seul le Jésus-Christ a vécu en chrétien. Nous reviendrons sur cette affirmation qu’il n’y a jamais eu de chrétiens, quand nous aborderons la question de la généalogie nietzschéenne des chrétiens.

Dans le même ouvrage[9] au numéro 41, Nietzsche trouve absurde l’idée selon laquelle Dieu a donné son fils, en sacrifice, pour le pardon des péchés. L’idée de sacrifice, surtout du sacrifice expiatoire, est répugnante, selon notre généalogiste. Il s’agit pour lui d’une régression vers le paganisme. L’exégète Nietzsche dit que Jésus-Christ a aboli le péché, nié l’abîme entre Dieu et l’homme. Jésus-Christ est le seul qui ait vécu cette unicité entre Dieu et l’homme, et cela était une bonne nouvelle. En théologien, Nietzsche évacue de la question du salut, le jugement et la parousie, la mort par le sacrifice et la résurrection. Or, il semble que pour lui, la béatitude soit la seule réalité de l’évangile.

Après la lecture de ces textes majeurs sur la généalogie nietzschéenne du Christ, il nous reste à découvrir d’autres aspects de ce personnage unique, au travers de textes secondaires.

Nietzsche écrit dans un chapitre sur la vie religieuse d’Humain trop humain[10] I, que le Christ s’est pris pour le célèbre fondateur du christianisme, ou encore pour le fils de Dieu incarné, ou encore pour une personne exempte du péché. Ensuite Nietzsche affirme que l’Antiquité fourmille de fils de Dieu. Cette idée est, de nos jours, partagée par Paul Diel, quand il écrit : « Tout homme est symboliquement ‘fils de dieu’. Mais aucun homme et aucun dieu ne peut être à la fois dieu et entièrement homme. Même réellement existant, un Dieu tout puissant ne pourrait faire pareil miracle[11]. » Nietzsche et Diel sont d’accord pour affirmer qu’un homme-dieu ne peut être parfaitement homme, car, « un homme qui serait Dieu ne serait pas un homme comme tous les autres hommes[12]. »

Toujours dans Humain trop humain I, au chapitre intitulé « caractères de haute et basse civilisation », le Christ est vu, par Nietzsche, comme celui qui a freiné la production de la grande intelligence[13]. Nietzsche le voit aussi comme l’homme le plus noble[14], dans Humain trop humain I. Dans la seconde partie, au chapitre « opinions et sentences mêlées »au numéro 96, notre généalogiste parle du christianisme accompli qui consiste à réaliser la vertu et la perfection. Mais pour lui, le psychologue et le chrétien sont en désaccord pour qui concerne l’amour des ennemis. Pour Nietzsche, toutes les promesses du Christ telles que « soyez parfaits comme votre père céleste est parfait » ou encore celle-ci « la vie terrestre et une vie bienheureuse » sont des erreurs[15].

A propos de la justice terrestre, Nietzsche soutient que le fondateur du christianisme veut supprimer cette religion et « extirper du monde le jugement et la punition[16].» Si nous remontons à un texte au dessus, le Christ est présenté comme le plus pieux de tous les hommes, et a laissé échappé cette parole amère : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné [17]? » L’abandon du Christ semble une situation pleine d’amertume chez Nietzsche. Mais ce verset du Psaume n’est que le premier, et est un psaume plein de confiance ; le psalmiste finit dans la pleine confiance en Dieu : « Et tu m’as réponds et je proclame ton nom parmi mes frères, je te loue en pleine assemblée. »

A la page suivante, Nietzsche voit Jésus-Christ comme un Sauveur et un Médecin[18]. « Le fondateur du christianisme, écrit-il, est médecin de l’âme ». Il avait de graves défauts et de grands préjugés, ajoute-t-il. Il utilisait des méthodes brutales pour lutter contre le péché. Ensuite Nietzsche considère Socrate comme supérieur au Christ, le fondateur du christianisme, par « sa joyeuse façon d’être sérieux et par cette sagesse pleine espièglerie qui est le plus bel état d’âme de l’homme[19]. » Il est aussi plus intelligent, ajoute-t-il.

La vengeance chrétienne contre Rome est un chapitre d’Aurore, au livre premier, numéro 71. Nietzsche montre comment dans la généalogie des chrétiens, ceux-ci ont pris leur revanche sur les païens et, depuis Constantin, n’ont plus lâché prise. Le Messie que Nietzsche présente comme « le juif crucifié », « le symbole du salut », apparaît comme la plus profonde dérision, en face des préteurs romains[20]. Un peu plus loin, notre généalogiste revient à la charge dans le chapitre « la connaissance de celui qui souffre ». Au livre deuxième d’Aurore, Nietzsche pense que le Christ est clairvoyant sur lui-même[21]. Cette clairvoyance n’a pas empêché Nietzsche de commettre des erreurs.

Au livre troisième du Gai Savoir, au numéro 138, Nietzsche parle de l’erreur du Christ. Celle-ci consiste à soutenir que « rien ne faisait souffrir davantage les hommes que leurs péchés.[22] » Son erreur, c’est de se sentir sans péché. Nietzsche ajoute qu’il manquait d’expérience. Son âme d’être de pitié était un grand mal. Finalement au n° 140, Nietzsche reproche au Christ de n’avoir pas eu un sens assez subtil, car il était juif[23].

Fin de cette partie

Publié par Dr AKE Patrice Jean, ce 29 juin 2009 dans http://pakejean16.spaces.live.com à 19h16


[1] NIETZSCHE(Friedrich).- Aurore. Livre premier n° 84, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 1018

[2] NIETZSCHE(Friedrich).- Aurore. Livre premier n° 84, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 1018

[3] NIETZSCHE(Friedrich).- Le Gai Savoir. Livre troisième n° 137, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 137

[4] NIETZSCHE(Friedrich).- Le Gai Savoir. Livre troisième n° 137, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 137

[5] NIETZSCHE(Friedrich).- Le Gai Savoir. Livre troisième n° 137, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 137

[6] NIETZSCHE(Friedrich).- Le Gai Savoir. Livre troisième n° 137, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 137

[7] NIETZSCHE(Friedrich).- Le Gai Savoir. Livre troisième n° 137, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 137

[8] NIETZSCHE(Friedrich).- L’Antéchrist n° 39 dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 1072

[9] NIETZSCHE(Friedrich).- L’Antéchrist n° 41 dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 1075

[10] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain I, « la vie religieuse », n° 144, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), pp. 524-525

[11] DIEL(Paul).- Le symbolisme dans la Bible. L’universalité du langage symbolique et sa signification psychologique. (Paris, Payot, 1975), p. 36

[12] DIEL(Paul).- Le symbolisme dans la Bible. L’universalité du langage symbolique et sa signification psychologique. (Paris, Payot, 1975), p. 36

[13] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain I, « caractères de haute et basse civilisation », n° 235, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 567

[14] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain II, Coup d’œil sur l’Etat n° 475, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 652

[15] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain II, Opinions et sentences mêlées » n° 96, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 734

[16] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain II, le voyageur et son ombre n° 81, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 865

[17] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain II, le voyageur et son ombre n° 81, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 865

[18] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain II, le voyageur et son ombre n° 83, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 866

[19] NIETZSCHE(Friedrich).- Humain trop humain II, le voyageur et son ombre n° 86, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 868

[20] NIETZSCHE(Friedrich).- Aurore, livre premier n° 71, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 1010

[21] NIETZSCHE(Friedrich).- Aurore, livre deuxième n° 114, dans Œuvres Complètes I, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 1037

[22] NIETZSCHE(Friedrich).- Aurore, livre troisième n° 138, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 138

[23] NIETZSCHE(Friedrich).- Aurore, livre troisième n° 140, dans Œuvres Complètes II, (Paris, Robert Laffont 1993), p. 138

mardi 19 mai 2009

L’éducation au service de la paix et du développement

CELAF INSTITUT

Conférence du jeudi 14 mai 2009.

Fr Pierre OUATTARA

«L’éducation au service de la paix et du développement »

Lorsque vous participez à la responsabilité d’éduquer des enfants et des jeunes, il est utile de tenter d’expliciter l’objectif visé à travers cette éducation. Pour aller dans cette direction, serait-il sage de s’accorder avec une éducation qui viserait la paix et le développement ? Tout le monde conviendra sans doute qu’il ne saurait y avoir d’éducation, au sens respectable du terme, qu’en vue de la liberté. Or, est-il possible qu’une éducation se donnant pour objectif le service de la paix et du développement soit autre chose qu’une formatrice d’esclaves ? En effet, faire de la paix et du développement, en somme de la prospérité de la société, la principale finalité de l’éducation, n’est-ce pas s’exposer au risque de contribuer à aliéner les individus à la société, à sacrifier les citoyens à l’Etat ? Mais un Etat, pour autant qu’il se prétend un Etat de droit, doit-il faire autre chose que promouvoir la liberté ?

S’il y a lieu de poursuivre la paix, et une paix durable, celle-ci ne doit-elle pas être compatible avec notre dignité humaine et impliquer alors le respect des libertés ? Or, avec l’avènement, au moins souhaité, de la démocratie, on se laisse couramment convaincre, à tort ou à raison, qu’être libre signifie agir selon sa volonté. Mais, avec une telle façon de concevoir la liberté, comment construire ensemble la paix si chacun, dans sa volonté de faire valoir sa volonté, cherche à l’imposer aux autres à tout prix ? Les conflits, entre et dans nos différents Etats africains, montrent que ce n’est pas spontanément que les êtres humains entretiennent des relations de paix. Ils semblent plutôt naturellement portés à la violence. Libre, l’individu humain a besoin d’être éduqué afin d’apprendre à construire une société de paix avec ses semblables. Il ne peut vivre en citoyen pacifique sans apprendre à accorder sa volonté avec celle des autres. Suivant ces vues, quelle éducation permettrait de préparer et susciter des artisans de développement et de paix ?

I – L’éducation au service de la paix par le développement.

Sauf erreur, la guerre ne se choisit pas, elle s’impose à vous. Il semble effectivement que les peuples, désireux surtout de paix, y soient entraînés, contre leur gré, par la nature même. Font partie de ces guerres imposées aux populations celles dues à une nature agressive. L’agressivité de la nature se manifeste à travers des pandémies, des calamités naturelles, les insectes et autres êtres nuisibles… Après avoir été, pendant des siècles, sur la défensive face à la nature, les peuples sont passés à l’offensive. Ils ne se contentent pas de subir les lois de la nature mais cherchent à lui imposer les leurs en la forçant à produire selon leurs besoins. La pauvreté, cause de conditions de vie inhumaines, synonyme de société en panne, est ainsi déclarée partout l’ennemie publique numéro un. Lorsqu’un être humain a faim et soif, est malade et logé dans des conditions insalubres, s’il est dans la misère, comment peut-il avoir la paix en lui-même et avec lui-même en tant qu’être physique et social ; comment sera-t-il capable de faire la paix avec la société et ses semblables ? Si nous voulons la paix, elle ne s’obtiendra que par le développement. Le Pape Paul VI l'a déjà énoncé, « Le développement est le nouveau nom de la paix ».[1] Un cercle apparemment vicieux se dessine alors ici chez nous Africains : tant que nous ne serons pas développés, nous ne connaîtrons pas la paix ; mais sans la paix, nous est-il possible de nous développer ? La paix est, d’une part, la condition nécessaire, mais non suffisante, du développement et d’autre part, elle en est le résultat. Il y a donc paix et paix, c’est-à-dire différentes qualités de paix.

Le premier des rôles de l’éducation, dans la visée de la paix par le développement, est d’armer les citoyens, de les former en leur donnant les moyens, c’est-à-dire les connaissances et les techniques nécessaires pour soumettre la nature hostile à leur volonté. Déjà, dans l’Europe des 18ème et 19ème siècles, les illettrés étaient assimilés à des êtres violents parce qu’incapables de discerner où se trouvent leurs vrais intérêts et d’agir dans ce sens. Le fait de savoir lire, écrire et compter représentait la condition de l’apparition d’un type de citoyen nouveau, à la conduite éclairée par la science, et surtout disposé aux changements de comportement indispensables à l’avènement d’une société plus prospère.

Si les populations demeurent pauvres, n’est-ce pas parce qu’elles n’ont pas accès à l’instruction et ne voient pas alors pourquoi, ni comment, elles devraient changer de manière de vivre, de manière de travailler et de s’organiser ? Seule l’instruction pourrait les persuader d’adopter de nouvelles techniques de travail, de changer de mode de vie et de comportement, en leur faisant connaître et respecter les règles d’hygiène, en leur indiquant comment prévenir les maladies, comment prendre soin de leur environnement, comment améliorer les espèces animales ou végétales et en leur apprenant à faire des calculs et des économies… Par ailleurs, l’instruction met un frein à la violence aveugle due à la bêtise, à l’égoïsme irréfléchi et à un égocentrisme inconscient, car elle permet de mieux comprendre dans quelle mesure, les autres faisant partie de nos conditions d’existence, il est de notre intérêt de faire la paix avec eux.

La lutte contre la pauvreté ne se gagnera donc qu’en mettant les moyens nécessaires pour élever le niveau d’instruction du peuple. Sans instruction, les enfants n’auront que peu de chances réelles de trouver plus tard un emploi bien rémunéré et de devenir des agents de développement efficaces. Pour se développer, une société ne peut se passer d’enseignants, de médecins, d’entrepreneurs capables de créer des emplois, de techniciens, d’ingénieurs, bref de personnes formées et converties à de nouvelles valeurs telles que le sens de la rigueur, de la ponctualité, l’esprit d’entreprise, la rentabilité, la productivité… L’idéal d’éducation par l’instruction reste valable et fait l’unanimité comme moyen de renouvellement et de valorisation des ressources humaines de nos pays… Loin d’être réalisé partout et pour tous, cet idéal d’instruction par l’école est cependant vivement critiqué car considéré insuffisant. Sa réalisation en Afrique se heurte à plusieurs obstacles tels que la faiblesse des ressources allouées par les Etats à l’éducation, le nombre insuffisant d’écoles, d’universités et d’enseignants, la fonction d’enseignant peu valorisée, la mauvaise orientation des jeunes dans leurs études, une école débouchant sur le chômage, la baisse de niveau et le peu de motivation chez les élèves et étudiants, les grèves à répétition... Mais, à moins qu’on ne soit prêt à réserver les bienfaits de l’instruction à une minorité sociale privilégiée, une école à la portée de tous continuera d’être souhaitable afin de gagner la bataille du développement. Une mobilisation mondiale en faveur de l’éducation serait donc du plus grand intérêt de tous les pays.

II- L’éducation à la paix, un besoin mondial de notre temps.

S’il est admis que la paix est une conquête collective liée aux progrès des techniques de production massive de biens, avec pour préalable l’élévation du niveau d’instruction des populations, c’est-à-dire le progrès des mentalités, il s’ensuit que le monde change dans les têtes avant de changer visiblement dans la pratique. Comment cependant ne pas constater que l’humanité a grandi plus vite en puissance qu’en sagesse ?[2] A l’évidence, l’éducation par l’instruction et la formation professionnelle ne suffit pas. Cela s’observe, une fois instruits et bien formés, les hommes n’en deviennent pas pour autant plus pacifiques ni plus faciles à vivre. Être instruit et bien formé professionnellement diffère du fait d’être bien éduqué. L’instruction n’écarte pas tout à fait la misère affective, morale et spirituelle.

Le progrès économique et social s’accompagne le plus souvent d’un relâchement des mœurs interprété comme étant l’indice de plus de liberté. L’accroissement des richesses entraîne l’apparition de nouveaux maux tels que des maladies inconnues jusque là, la dégradation de l’environnement, la consommation ostentatoire, des inégalités sociales croissantes, l’incivisme, la corruption, la montée de l’insécurité… Plusieurs exigences des traditions morales et religieuses tendent, avec l’évolution, à être rejetées ou oubliées. Des voix s’élèvent même pour parler d’agonie de la morale … Au vu de tout cela, il apparaît que la construction de la paix passe par des efforts de moralisation de la vie publique. Dans le nouveau contexte social, se pose la question de savoir si le progrès économique et social ne révèle pas en nous davantage des êtres domestiques que des êtres sociables véritablement libres. L’instruction tend finalement à nous faire tourner le dos à l’éducation au sens traditionnel du terme. L’école dispose à imiter principalement des modèles culturels extérieurs à nos sociétés, à consommer préférentiellement ce que nous ne produisons pas. Elle a tendance à produire des êtres plus solitaires que solidaires.

Or, traditionnellement, être éduqué signifiait avoir le sens du savoir vivre en société, le sens pratique des valeurs de la vie communautaire…[3] L’éducation a pour postulat l’existence en chacun d’un désir de faire société avec les autres et donc un refus de laisser s’instaurer l’indifférence et la violence dans les relations. Une volonté de paix, que manifestent ses manières et son comportement sociables, est supposée partir du cœur hospitalier du « bien éduqué ». L’éduqué témoigne, à travers ses gestes, ses manières, ses paroles, son comportement, de sa fidélité à une culture commune donnée. Bien des conflits africains viennent précisément de l’inexistence d’une véritable culture commune liant les membres des diverses communautés ethniques et religieuses d’un même pays les uns aux autres. Une telle culture n’est pas donnée, elle est à créer. Ce qui survit de l’éducation traditionnelle ne constitue-t-il pas, sous certains aspects, un frein, ou une gêne, à l’entrée dans un monde ouvert, dominé par la culture de l’efficacité, de la rentabilité, monde de la vitesse où le temps c’est de l’argent ? Dans la société en développement, où règne la compétition, l’agressivité passe pour une valeur positive. De sorte que la politesse, la courtoisie, la douceur, des marques de savoir vivre de la société traditionnelle, risquent de passer dans ce contexte pour des manières de perdre du temps sinon des signes de faiblesse…

Eblouis par les modèles occidentaux, sommes-nous encore capables de penser à d’autres modèles de société et d’école que ceux d’Europe ? L’école moderne prépare surtout à reproduire la société occidentale. Elle n’apprend pas à nos jeunes la sociabilité et ne réussit pas non plus à les disposer à gagner patiemment leur vie. Du point de vue de la vie domestique, à laquelle prépare l’instruction, les règles et lois de la vie sociale paraissent des entraves à la liberté et non l’expression d’une volonté de vivre ensemble en harmonie. L’école encourage à vouloir être « quelqu’un », incite à se distinguer des autres et n’inculque pas le sens d’un lien commun, de la liberté en tant que bien commun car fruit d’une conquête collective. Du coup, la société se rapproche d’une jungle où les lois ne sont faites que pour les plus faibles, où il s’agit par conséquent de se montrer plus fort et plus rusé que tous les autres. C’est dire que les gens s’associent par calcul d’intérêt, pour être plus forts. Ce n’est pas le lien social qui, ordinairement, importe mais le pouvoir économique et social que l’on en tire.

La préoccupation ordinaire, à courte vue, des populations laborieuses, n’est pas tant la paix que l’obtention de la satisfaction de leurs besoins. La paix, elles l’espèrent de l’Etat. Dans le cadre de l’Etat, chacun est sensé abandonner sa liberté « sauvage » au profit d’une liberté « civilisée », c’est-à-dire soumise aux lois de la cité. La paix est le fruit du respect d’un pacte social tacite de non agression entre citoyens, pacte en même temps d’association et de soumission à une même autorité, l’Etat. Il est attendu alors de ceux qui sont à la tête de l’Etat qu’ils assurent la paix civile et sociale, qu’ils garantissent la sécurité des personnes, des biens et des affaires dans les limites des frontières nationales et même au-delà. Les raisons ne manquent pas d’admettre que le développement et la paix sont d’abord l’affaire de l’Etat, plus précisément celle des gouvernants et non des éducateurs.

En effet, faire régner la paix synonyme d’absence de troubles sociaux, de maintien de l’ordre et de stabilité politique, se ramène partiellement à un problème presque purement technique, c’est-à-dire de pouvoir de contrôle de la société par l’appareil d’Etat. Le gouvernement, détenant le monopole des pouvoirs de planification et de coercition, disposant des forces armées et de la police, peut les utiliser pour mobiliser et encadrer de façon autoritaire les populations en vue d’une croissance économique rapide. La restriction des libertés, supposée provisoire, est alors justifiée par l’évocation de l’intérêt supérieur de la nation. Il se peut que les citoyens, peu instruits, avant tout épris de sécurité, ayant peur du changement, craignent la liberté et se résignent à subir la condition d’esclaves. Mais l’autoritarisme de l’Etat vis-à-vis de la société[4] risque, à la longue, de s’affaiblir. L’Etat non seulement arbitre les luttes sociales mais représente également leur enjeu. S’il manque la paix c’est qu’il y a perpétuellement lutte en vue de conquérir ou garder la direction de la société à travers l’Etat. L’Etat représente à la fois le problème et la solution à la question d’une éducation au service du développement et de la paix.

Que les gouvernants et les aspirants à prendre les rênes du pouvoir en soient conscients ou pas, l’Etat, à travers les multiples contraintes auxquelles il soumet les citoyens, constitue un formidable instrument d’éducation à la liberté. Il arrive qu’il conduise les populations au désespoir en laissant prospérer l’incompétence, l’injustice, la corruption, l’immoralité, bref toutes sortes de formes de violence ou alors qu’il encourage la vie vertueuse en suscitant l’espoir d’une société meilleure. Cet espoir d’une société meilleure entretient la paix sociale. L’éducation ne se passe donc pas exclusivement dans les murs des écoles. La politique donne lieu à une forme d’éducation des populations et l’éducation, par l’école, donne aux populations les moyens de s’approprier des institutions de l’Etat. La force de l’Etat repose sur les libertés bien comprises de ses citoyens. A ses débuts, l’éducation prend l’aspect d’une discipline venue de l’extérieur ; elle a cependant pour visée ultime d’encourager l’autodiscipline, base d’une paix durable, voulue et non plus imposée.

Aujourd’hui la recherche de la paix en Afrique se déroule sur deux fronts : celui de la lutte contre la pauvreté et celui de la démocratisation. Faut-il privilégier la lutte contre la pauvreté, au détriment de la démocratie, ou mener ces deux luttes concomitamment ? Certes, la démocratie n’apportera pas la solution à tous les maux de l’Afrique, tout au moins elle repose sur le postulat d’une liberté à éduquer de l’être humain. Libre, une fois ses besoins matériels fondamentaux satisfaits, l’individu ne trouve pas pour autant la paix ; une part de lui réclame la reconnaissance de sa valeur infinie. Cette part le pousse à se mesurer aux autres, à se comparer à eux, afin de prouver sa valeur et de la faire respecter. Il y a désir de faire société mais un désir en même temps insociable. Comment en ce cas la paix deviendra-t-elle l’objectif commun à tous si au lieu de chercher l’égalité, chacun tente plutôt d’exploiter et de dominer les autres ? Si l’individu est liberté en ce sens, c’est dire que, sans éducation, il demeure un être naturellement violent. Le problème fondamental qui se pose dans le cadre d’une démocratie est celui-ci : comment concilier les libertés individuelles afin qu’elles se nuisent le moins possible les unes aux autres ? [5] C’est ici que l’éducation joue son rôle le plus profond : affronter le premier des obstacles à la paix, la violence en l’homme lui-même. [6]

Sans une culture de base commune, comment constituer en un seul peuple des citoyens appartenant à une diversité d’ethnies, à une pluralité de traditions culturelles ? Un véritable Etat démocratique ne saurait se construire sans une démocratisation de l’instruction, sans culture démocratique. Il est difficile d’imaginer une démocratie fonctionnant correctement sans un peuple instruit. C’est ici que se pose le problème de la mise en oeuvre d’une politique éducative efficace. La démocratie commence par une éducation de base accessible à tous les citoyens, les introduisant à la conscience des droits et devoirs d’une commune identité nouvelle. Cette éducation est réussie lorsqu’elle produit des citoyens sachant se montrer exigeants vis-à-vis d’eux-mêmes et capables de participer à créer une morale concrète nouvelle à partir de traditions anciennes.

Conclusion : réinventer l’éducation ?

De nombreux citoyens africains vivent une sorte d’exil intérieur sur le continent car ils n’arrivent pas à y trouver véritablement l’hospitalité, autrement dit la paix. Comment y trouveraient-ils la paix sans avoir appris à habiter leur environnement naturel et institutionnel ? Habiter un pays, y trouver l’hospitalité est fondamentalement une question d’éducation. C’est un fait indéniable, sans instruction, les gens sont dépassés par le  monde dans lequel ils vivent. Ils ne le comprennent pas et cela est source de bien des troubles. Intellectuellement, moralement et spirituellement en retard dans un monde en avance sur eux, ils sont incapables d’en affronter les défis. Comment, en tant qu’Africains, être à la hauteur des défis que lance notre environnement sans revoir nos systèmes éducatifs ? Pour y arriver, il faudra bien réfléchir aux dispositions d’esprit, de cœur et de caractère nécessaires pour bâtir une paix durable.

A présent, la nature elle-même ne pousse-t-elle pas l’humanité vers la paix ? En effet, avec les enseignements des sciences telles que l’écologie et la biologie, émerge la conscience croissante d’une solidarité de fait entre les nations. Il est devenu clair que si les hommes continuent à se comporter en groupes nationaux motivés par leurs seuls intérêts égoïstes divergents, il risque de n’y avoir d’avenir réjouissant pour personne. La conscience de la nécessité d’une gestion concertée des ressources naturelles, indispensables à la vie, oblige les nations à négocier des accords. Il est clair aujourd’hui qu’il faut se développer autrement que par le passé. Un développement sans éducation à la protection de la nature, au respect de l’environnement et au sens de l’interdépendance des vivants s’annonce catastrophique.

S’il est de la responsabilité des hommes politiques d’éviter le plus possible à nos pays des conflits internes ou externes et d’élaborer des politiques éducatives efficaces, celle de préparer une paix durable incombe aux éducateurs. La paix correspond à un choix collectif de société mais également à un choix de vie personnel. Pour la construire et la protéger, la culture d’un courage sans violence, d’une force sans dureté et d’un amour sans désir de domination, reste à créer. Au- delà de la volonté de ne pas se nuire mutuellement, la paix invite à la charité. Elle réside dans une manière acquise de se rapporter à soi-même. Cette manière s’identifie à la douceur, signe non de faiblesse mais d’humilité d’une puissance assez forte contre elle-même pour ne pas succomber à la violence. Sans combat avec soi-même, sans vertu, pas de paix réelle. L’intérêt de la démocratie c’est qu’elle conduit à poser le problème d’une éducation qui mette la vie vertueuse à la portée de tous.

Bibliographie

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[1] Paul VI, Populorum progressio, 1967.

[2] Cf. Maria MONTESSORI, L’éducation et la paix, Paris, Desclée de Brouwer, 1996, p 10- 12.

[3] Olivier REBOUL, Les valeurs de l’éducation, Paris, PUF, 1992 cf. 210-211.

[4] Totalitarisme, despotisme, dictature…

[5] Cf. Mathieu Lou BAMBA, « La philosophie dans le processus de démocratisation en Afrique », Revue CAPHIA, 1er numéro spécial 2004, Presses Universitaires de Ouagadougou. P. 45 – 61.

[6] Mieux que de ne pas nuire, il s’agit d’apprendre à être le bien de tous.